Je suis souvent allé, par les chemins de la forêt, jusqu’à la croix. Celle perdue, au carrefour de quatre chemins, au cœur de l’immensité d’arbres sombres et inquiétants. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis venu. Depuis ma première visite, je ne vis plus que pour la lueur merveilleuse qui m’a accueilli. Elle m’apaise. Une nouvelle fois, je progresse vers elle. La lune éclaire mes pas, étouffés par le tapis de feuilles mortes. Les ombres des arbres se font plus étroites, plus discrètes. Les rapaces arrêtent de siffler. Peu à peu, le silence se fait lourd, pesant, oppressant. J’ai ressenti cette impression lors de ma première venue. Cette nuit où je m’étais égaré alors que je te cherchais désespérément. Mais cela ne m’inquiète plus maintenant. C’est, à chaque fois, pareil. Je suis venu de jour sans ressentir cette impression de chaleur merveilleuse me pénétrant. La croix de pierre est classique sur son socle, belle, sans plus. Alors que la nuit, le rayon de lune qui la transperce projette en arrière plan une autre croix blanche qui semble flotter dans l’air. De jour, on ne la voit pas. Elle est translucide, irréelle. Souvent, je tends la main pour la saisir mais tu ne me laisses jamais approcher. Tu es partie ce soir de brume dans la grande forêt pour ne plus jamais revenir. Je t’ai cherchée sans jamais te trouver si ce n’est cette croix merveilleuse qui dans mon imaginaire te remplace. C’est pourquoi, ce soir, comme les autres soirs, je te rends visite. La forêt se pare de silence, nous offrant une part d’intimité. On aura peu de choses à se dire. Je vais m’approcher de la croix, m’asseoir devant elle, attendre que la lune vienne caresser d’un rayon magique la croix, provoquant l’apparition. J’ai peur. Hier, elle n’était pas là. Les jours précédant aussi. Le vide de nos dernières rencontres est-il venu éteindre mon imagination et la lueur merveilleuse ? Depuis plusieurs nuits, les rayons de lune ne touchent plus les pierres de la croix. Ma douleur de ton absence s’éloigne, mon deuil se fait. La lune n’a plus pitié de nous…