Le temps

Tu as vu un bourdon arrêter le temps. D’un vol lourd et pesant. De fleur en fleur porté par le vent. Se posant sur un pétale lentement. Butinant le miel et le sang. Méthodiquement, avidement. Dans l’air saturé d’un matin d’été. Alors que se levait un soleil presque réveillé. Si proche, si lointain. A portée de main. Le bourdon papillonnant, battant des ailes. Libre, superficiel. Flirtant avec les roses écloses. D’un vol capricieux. Volant leur suc mielleux. Plongeant dans leur cœur. Leur arrachant des pleurs. Comme un assassin sans pitié. Tu as vu le temps se replier. Entre les courbures du ciel et du vent. Perdant le sens de sa destinée. Laissant le bon et le mauvais s’échapper. Dans une parfaite indolence. Pendant que le soleil halluciné. Se contenter de briller. Au bout de son errance et dans une parfaite arrogance. Le bourdon continuant de voler. Brisant le silence. Dans le son répété d’une note frappée. Sur un piano mystérieux. Posé en enfer ou dans les cieux. Métronome du labeur. De l’insecte et de son ardeur. Rien pour les arrêter. Si ce n’est un cimetière de fleurs fanées. Plus tard quand naîtra le brouillard. De l’automne et ses pénombres. Là où vivent le temps et ses désirs sombres. Tu as vu les tombes du temps. Elles sont dans les livres, les mémoires. Elles s’ouvrent certains soirs. Se glissant entre les cauchemars et le vent. A l’abri des fleurs écloses de nos mémoires. Il n’y a pas que des squelettes. Mais aussi ces souvenirs qui t’entêtent. Que tu aimerais qu’ils s’évadent du temps. Volant librement. Emportés par l’appel capricieux. D’un bourdon facétieux. Venu ranimer le miel et le sang. Ce goût merveilleux. De nos jours heureux. J’ai vu dans tes yeux couler. Les larmes de nos étoiles oubliées. Elles ne sont pas encore fanées. Juste égarées au-delà du temps. Dans un espace sans heure. Où sommeillent nos deux cœurs. Nous pouvons les réveiller, il est encore temps.
Lire la suiteNotre requiem

Notre requiem a des couleurs blanches et grises. Comme les teintes d’un pale matin. Traversant les vitraux d’une église. Notre requiem a des notes suaves et tristes. Comme le discours d’un sophiste. S’éparpillant dans le vent. Il raconte le lent mouvement. De nos gestes indolents. Un été à Vienne. A tendre la main à une bohémienne. Cherchant notre destin. Aux carrefours de lignes entremêlées. Emportant nos vies dans le train. De notre présent déjà consommé. Notre requiem a les yeux fermés. Une tolérance sur notre passé. Notre requiem endort nos cauchemars. Le soir au-delà si tard. Dans les langueurs d’un violon. Sur le papier de nos rêves profonds. Je me prends à espérer. De bientôt te rencontrer. Pour renouveler et répéter à l’infini notre vie. Entre douceurs et stupeurs faisant du malheur une erreur. De parcours pour toujours. Un été à Vienne. A tendre la main à une bohémienne. Devant la statue de Mozart. En pensant à notre requiem qui a scellé ce hasard. De battre à l’unisson. Sans autre raison. Que d’aimer ce frisson.
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Hier resté là

Trois mots de trop dans la fin d’une nuit. Des pas qui titubent dans l’escalier. L’aube qui apparaît sans poésie. Des idées qui se mélangent exaspérées. La pression qui monte inexorablement. Des phrases lancées violemment. Dans le matin blanc. En échos sur des murs blancs. Écorchant des cœurs à vif. Fatigués, réactifs. Entrés dans une époque glaciaire. Figée, prostrée. Notre amour que l’on enterre. Sans venir l’accompagner. Trois mots de trop dans la fin d’une nuit. Le son de la fin. Rapide et soudain. Sans chercher à se fendre. D’explications à entendre. Froids comme la rampe, ses murs blancs. Le marbre foulé de nos pas. Hier resté là. Diffusé dans la poussière du temps. Sans nostalgie. Le requiem de nos fantaisies. Les notes lourdes d’un piano mélancolique. Tombant des étages tragiques. Incapables de les comprendre. Plus rien ne pouvant nous surprendre. Lassitudes, platitudes. Nos vies perdant de l’altitude. Je te hais. Tu me hais. La seule donnée partagée. Venant entraver nos pas. En commun nous en sommes là. Trois mots de trop dans la fin d’une nuit. Devant moi, tu montes, tu t’enfuis. Je te laisse t’évaporer. C’est ainsi. Dans un demi tour accéléré. Moi, aussi, je m’enfuis. En ayant étranglé cette nuit notre mélancolie. Ce dernier lien que nous avions en commun.
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Sur ton visage

Sur ton visage, il y a les rondeurs de tes vouloirs. Sur ton visage, il y a les secrets de tes espoirs. Cachés dans le velours de tes brouillards. Cette façon triste de t’habiller d’ombres. Portant le poison de tes cafards. Courant en nombre. Derrière le voile de tes yeux. Amoureux ou malheureux ? Une ambiguïté que ta pause ne fait qu’attiser. Fragile, une sensation presque une déclaration. A vouloir te poser cette question. Que cache ton visage ? Le comprendre sans se méprendre. Évitant de commettre l’outrage. De violer tes secrets. Sur ta peau à l’encre blanche marquée. Courent ces ombres qui les révèlent. Avec cette violence d’être essentielles. Sur ton visage, il y a cette force de croire. Sur ton visage, il y a la faiblesse de ne pouvoir. Combler ce vide qui t’envahit. Tu as en tête ces mots qui le décrit. Un bien précieux. Heureux ou malheureux ? Cherchant sa raison dans ton intimité. Se laissant approcher pour t’aider, te protéger. Est-ce ton vouloir ? Une fin de non-recevoir ? Sur ton visage, il y a la pudeur de ne pas décevoir. Sur ton visage, il a une lutte que l’on peut apercevoir. Donnant une fausse vérité. Celle d’aimer la solitude. Ses silences, son abandon, ses platitudes. Ton corps qui fait la moue, tes yeux doux. Leurs larmes cachées ne pouvant couler. Les ombres qui ne font que les appeler. Jouant avec ton visage triste d’un Pierrot. Qui a perdu sa lune dans le caniveau. Il y a cette musique triste qui revient. Sauvant les apparences. A quoi tu penses ? Une question sans fin. Une chanteuse, la voix abimée. Raconte ton histoire périmée. Sur ton visage, il y a les cauchemars de tes soirs. Sur ton visage, il y a ton âme, son miroir. Un reflet en contre-jour dans tes yeux. Désespérés, langoureux. Rougis pour l’éternité.
Lire la suiteEpitaphe

Il y a sur les lattes du parquet nos pas gravés. Sur les murs nos ombres enlacées. Je ne veux retenir que tes rires. Me souvenir de t’avoir vu courir. Oublier de t’avoir entendu souffrir. Ton dernier râle avant de mourir. Alors que le soleil se levait. Effaçant une nuit infernale. D’un voile léger. Une douceur banale. En ce mois d’été. Où nous avons gardé les rideaux tirés. Empêchant la lumière de nous agresser. Donnant à notre fin une intimité. Camouflant nos infirmités. Face à face rien à se dire. Trop à se souvenir. Il me reste ton pâle sourire. Pour tenter de repartir. C’est comme ça que tout s’est passé. Doucement, comme on l’avait imaginé. Nous n’en avions jamais parlé. Avec le temps on se comprenait. D’un regard, d’un agacement, d’un soupir. Fuir pour se retenir. Rugir sans se maudire. Tressaillir sans faiblir. Une opposition faisant un équilibre. Chacun revendiquant d’être libre. S’opposant, en se réunissant. Il y a sur les lattes du parquet nos pas gravés. Sur les murs nos ombres enlacées. Dans le grand bal des fantômes masqués. Je les entends murmurer, s’embraser. Leurs souvenirs du passé. Que tu viens d’embrasser. Je les entends t’accueillir. Il y a des cris, des rires. Ce bien être que tu commences à ressentir. Je t’imagine sourire. Cette idée me fait du bien. Tu n’es pas seule maintenant et demain. Je vais te laisser. Les rideaux tirés. Jetant une ombre sur la fin de l’été. Ton dernier souhait. Notre château dans le silence emmuré. La poussière venant s’installer. C’est ainsi que tu as imaginé ton autre vie. Je suis parti. Sans me retourner. Avec épitaphe sur les lattes du parquet nos pas gravés. Sur les murs nos ombres enlacées.
Lire la suiteEntrer

Je voudrais te parler d’un château merveilleux. Que je dessine de mes vœux. Pour toi, pour moi, pour nous deux. Ensemble coulant des jours heureux. Au bout d’une allée, de grands arbres à nous regarder. Entrer. Les pas hésitants, sur la pointe des pieds. Comme un fruit interdit que nous pourrions voler. Trop beau, trop gouteux. Pour nous deux. Nous pourrions le toucher, l’apprivoiser. Entrer. Il serait blanc, luminescent. N’aurait rien d’arrogant. Dans ses couloirs nous perdant. Dans ses boudoirs nous retrouvant. Sur des canapés nous prélassant. Devant le feu de cheminées. Regardant la nuit tomber. Du bout de l’allée, je l’ai vue. Entrer. Tu as frissonné. Je me suis tu. Avec l’impression de ne pas être à notre place. Une sensation qui n’a rien de fugace. Elle me rappelle que les châteaux merveilleux. Vivent derrière des grilles. Intouchables, orgueilleux, brillant de mille feux. Nous à les admirer, le regard qui frétille. Une étincelle dans tes yeux. Je vois que tu as rêvé. Entrer
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