Mélancolie
Je pourrais fuir sans relâche. Ces jours qui m’attachent. A un souvenir, une image. Présente et sans âge. Elle aurait un visage. L’esquisse d’un sourire. Ou peut-être pire. De la tristesse dans le regard. Perdu, amer ou hagard. Loin vers un ailleurs. Ni bon, ni meilleur. Juste absent et envahissant. Porteur de ce vide étouffant. L’absence, cette impuissance. De rendez-vous manqués. De paroles étouffées. Par fierté ou par lâcheté ?
Il me manquerait le son. D’une voix évoquant le pardon. Cet accord introuvable. Parmi les broussailles. De sentiments coupables. Creusant ces failles. Impossibles à combler. Qui sont venues nous séparer. Mais il le fallait. Elles portent un nom. La fatalité d’être éprouvé. Violemment et par raison. Construisant nos différences. J’en accepte la sentence. Vivre ou étouffer ? Étouffer ou vivre ? La réponse est venue. En évacuant ce passé perdu.
Il s’en ira seul, s’écartera. De moi à petits pas. Imperceptiblement chemin faisant. Emportant sa vérité. Que personne ne viendra consulter. Il n’aura été qu’un passage. Un détail, une histoire en décrochage. D’un temps nouveau et présent. D’une autre vie, d’autres projets. Pour affronter et se projeter. Vers la force d’un jour nouveau. Un réveil forcé et ses assauts. Le sang d’un matin bouillonnant.
Mais il me reste ce rien. Comme un petit grain. Présent et obsédant. Que la mémoire projette dans un miroir. Ce reflet du passé. Glissant comme le lierre. Entre les joints de pierres. D’une muraille fragile et volatile. Je pourrais fuir sans relâche. Ces jours qui m’attachent. A un souvenir, une image. Présente et sans âge. En repoussant cette mélancolie. Si je le veux; si je le peux. Elle qui nourrit ma nostalgie.
Vivace, elle m’appartient. Nous sommes riverains. De cette impasse où fleurissent les chrysanthèmes. Des jours sombres de Toussaint. Se réveillent les lumières blêmes. D’une tristesse diffuse. Cette pénombre confuse. Où s’endorment mes extrêmes. Dans une trêve complice. Recouvrant les cicatrices. D’un anesthésiant vaporeux. Qui rend le présent. Supportable et liquoreux. Ce liquide que chaque jour je bois. Par force en pensant à toi.
Je pourrais fuir sans relâche. Ces jours qui m’attachent. A un souvenir, une image. Présente et sans âge. Mais elle est imputrescible. Rend ma quête vaine. Mes efforts impossibles. Malgré ma volonté certaine. D’oublier ce passé. Cette fable qui m’habite. Châtelaine de mes insomnies. Brisant à coups de dynamite. La faïence de ma vie. Donnant à hier. L’étendue d’un cimetière. Où j’erre la nuit. Porté par ma mélancolie.
Je lui ai donné une raison de l’aimer. Elle me rapproche de ce passé. Que je ne peux oublier. J’ai en moi ses images. Qui m’attachent sans relâche. A des souvenirs d’un autre âge. Qui ont été ou qui furent. Heureux, j’assure, je le jure. Avec le temps ils ont été transfigurés. Gommant leurs imperfections. Ma mémoire leur donnant l’absolution. Pour vivre et résister ne pas abandonner. Et sur leur tombe me recueillir. Sans être assailli par l’envie de les maudire.
Lire la suiteQue j’imagine
Touche mes doigts habités de toi. Murmure des mots que j’imagine. Que tu chuchoteras comme çà. Violents, insipides et indolents. Noirs sans autre couleur que l’illumination sombre. De nos maux intemporels ; de nos yeux cruels. Nous déambulerons versatiles, superficiels. Ombres parmi les squelettes de nos démons.
Murmure des mots que j’imagine. Dans la répétition addictive. De t’entendre extatique inexpressive. Parler d’hier, de nos visions. De demain comme d’aujourd’hui. Temps où nous serions toujours amis. Obsession que je croyais, que tu annonçais. En déraison dans des poèmes. Avec passion usant de blasphèmes.
Murmure des mots que j’imagine. Dans le sang virtuel de tant de promesses. Que je bois sur tes lèvres sans cesse. Assoiffé, irradié, atomisé. J’endure notre absolu avec irrévérence. Aussi avec patience et abstinence. Sur nos corps se dessinent les rides d’or. De nos courtoisies affadies.
Murmure des mots que j’imagine. Pour donner à l’automne les floraisons du printemps. J’irai dans le verger parler à l’été. Comme un menteur, bonimenteur, charmeur. Pour obtenir l’impossible. Du soleil sur nos cicatrices. Le hale d’un bronzage merveilleux. Possible malgré nos avarices. Aux sentiments fragiles et élogieux.
Murmure des mots que j’imagine. Pour que les épouvantails de nos vies. Chassent les corbeaux aux becs jaunis. Des terres vierges de quelques paradis. Où s’ébattent les enfants que nous avions espérés. Tous affublés d’un prénom inutile. Aux prononciations difficiles. Effacés dans un oubli sourd et maîtrisé.
Murmure des mots que j’imagine. Caricatures d’une expression qui dure. Notre immatériel décoratif. Cette suffisance arrogante. D’un désespoir toujours à vif. Lente dégénérescence de nos ornements. S’effritant parmi le rugissement d’ouragans. Il ne nous reste rien. Ce si peu qui nous retient.
Murmure des mots que j’imagine. Le matin, le soir, dans l’instant présent. Hommes de paille reflétant nos failles. Avec le caprice avilissant d’une attirance. Mémorielle et intense. Suffisance de papier dans une posture de condescendance. Je tremble, je respire ces vapeurs d’essence. Qui maintiennent en éveil nos sens.
Touche mes doigts habités de toi. Murmure des mots que j’imagine. Que je m’endorme près de toi. Que nos nuits ne soient jamais pareilles. Pour illustrer nos impuissances. Pour sublimer nos différences. Miel d’un tout et de son contraire. En caressant le velours de nos misères. Pendues sur nos épaules en bandoulières.
Lire la suiteLe voyage nocturne
Comme la nuit s’était étendue sur des plaines repues. Que la brume renvoyait les soupirs de ces terres humides. Je respirais l’imaginaire blanc de vestiges d’un ancien vide. Porteur des ultimes tremblements du jour et de leurs odeurs. Nous étions maquillés des oripeaux de plumes de corbeaux. Noirs sous l’emprise féconde d’une aspiration profonde. Nos doigts noués entre tous, le regard absent. Dans la nuit que nous allions découvrir. Sur des chevaux frénétiques trépignant de la parcourir.
Au-delà des marais verts et de leurs nénuphars. Endormis sur un tapis d’eaux stagnantes. Par-delà les montagnes éblouies et leurs neiges transies. Toboggans sur lequel glissaient des aigles et leurs fientes. J’ai parlé à leurs oreilles inattentives. Murmurant des mots qui ravivent. Les langueurs de nos nuits corrosives. Plus légères que les insomnies triomphantes. Peuplant le cimetière d’espérances inabouties. Pendantes et en lambeau sous les sabots de nos chevaux en folie.
Nous parlions entre nous des langues inexpressives. Acceptant l’absence de sentiments sur nos visages. Pour apprivoiser la mélancolie de nos pensées inattentives. Ou domestiquer les peurs de futurs radotages. J’ai pendu à une corde le vent et le temps. En laisse surveillant nos enfants. Les accrochant derrière nous à la queue de nos destriers. Nous bel équipage aux écumes vaporeuses. Corsetées de fils bleus et tissés. Sur le velours de nos capes radieuses.
Pourfendant l’opacité de forêts argentées. Où s’essoufflaient des faons et d’autres orphelins. Sur le tapis de feuilles orangées. D’un automne indien et de ses parfums. Dopant nos chevaux à l’éther d’airelles embaumées. J’ai à mes lèvres porté ce calice ailé. Goutant le nectar sophistiqué dont je me suis abreuvé. Sous le regard narquois d’hiboux et de quelques chouettes. Commères, pire parfois d’abominables mégères. A la pensée corrosive toujours armée d’une baïonnette.
Nous nous sommes enfuis vers des clairières lunaires. Ces trouées dans les forêts de nos âmes et de nos chimères. En regardant la lave couler des torrents et des rivières. J’ai eu l’envie de m’endormir, de courtiser ce soupir. D’un crépuscule ardent aux reflets d’argent. Il m’aurait apporté l’exil d’un temps flamboyant. Loin de cette cavalcade sans fin. Mais il n’y avait entre mes mains que la tristesse. Et l’impuissance corrosive d’un présent et de ses intenses faiblesses.
J’ai pensé à nos regards ébahis de nos premiers galops. Coupant la pénombre avec le tranchant d’un couteau. Fonçant vers un interdit aux multiples facettes. Nous avons côtoyé l’exquis de mes envies. La complicité de nos addictions violettes. En charmant nos spectres las et guéguerres. Nous ces hussards au sabre fier. Sans lien, ni regret, filant vers un azur sanguinaire. Cette impasse où le nocif nous attend et nous enlace.
J’ai invoqué les soleils des jours passés. J’ai piétiné notre absolu par fatalité. Soufflant dans un pipeau les premières notes d’un requiem. Sous l’œil narquois d’une nostalgie ingénue. Ne recevant en écho que le jet d’un anathème. Pendant que parmi les labours de cette fuite éperdue. Ont été ensemencées les graines de notre mélancolie. Qui pousseront plus tard sous les soleils noirs. Des nuits de bohèmes de nos désespoirs.
Alors dans un ultime stratagème. Au galop nous sommes rentrés sur nos chevaux. Pendant que se levait un matin blême. Sur l’horizon étendu de plaines repues. Nous avons franchi les portes des écuries. Sanctuaires où prospèrent les spectres de nos enfers. Pères de nos faiblesses, de nos extrêmes. Notre nuit s’est endormie sous des chrysanthèmes. Intimidé et frêle, pour la première fois, j’ai osé te dire « je t’aime ».
Lire la suiteMélodie sur un pont interdit
Dans une errance fugitive, je cultive le présent. Cet instrument qui me retient au-dessus d’un vide. Envahissant aux visages tristes et candides. Mes fantômes d’hier sont de ceux-là. Quelque part marchant à petits pas. Dans un labyrinthe de feuilles et d’herbes. Ils se lamentent pour des riens. Ânonnent des phrases sans verbes. Cultivent la fatalité de chaque matin.
Mélodie sur un pont interdit. Je n’irai pas sur l’autre rive. Boire leurs calices remplis de jalousie. Mais je lutterai contre cette lente dérive. En fantassin d’un combat assassin. Malgré cette douleur sourde et profonde. L’onde qui m’envahit et pour laquelle je succombe. A l’ambiance sinistre de catacombes. Ce temps creusant sa tombe. Dans l’agonie d’une époque sans envie.
J’irai dans le labyrinthe, les mains jointes. Par humilité ou par compromis. Entendre mes fantômes et comprendre. Si je deviendrais comme eux ? Si je devrais m’avilir face à eux ? Afin de les amadouer ou de les renier. Dans une lutte sans merci mais il en sera ainsi. Sous le soleil caractériel de nos haines fusionnelles. Pour suspendre l’instant larmoyant par nos larmes de sang.
Alors il en restera une vision aléatoire. Celle de donner à demain un vernis sans espoir. Celui de nos corps constitués d’inhumanité. Il existe peu de différence entre eux et moi. Nous avons signé ce compromis. Par souci de légiférer notre foi. En un texte fade et sans vie. Qui nous ressemble et nous assemble. Dans le dédale de ce labyrinthe. Où du silence s’échappent nos plaintes.
Se morfondre deviendra notre acte d’amour. Il ne restera que cette faiblesse pour suspendre. Une pénombre s’abattant sur nos tristes jours. Tendresse sans caresse. J’aime embrasser le fantasme qui transgresse. La mélancolie de notre paresse. Ce néant sans appel voluptueux comme une diablesse. Qui se confond avec le mirage de nos jouissances scélératesses.
Et dans un soupçon d’infini. Une déviation de notre temps. Nous irons musarder dans des champs de muguets. Aussi noirs que nos ciels s’endormant. Et sous l’ombre de chênes tentaculaires. Nous lirons des poèmes crépusculaires. Écrits avec les aurores boréales de nos transgressions. Fertilisant nos rancœurs et nos frustrations. Dans ce rituel factice de notre mansuétude. Le masque fauve qui cache notre platitude.
Lire la suiteLes lumières amnésiques
Avec offense, je ressens la violence de nos lumières s’effaçant. Comme une ode à la pénombre s’embrasant. Dans le velours crépusculaire d’une pause assagie. Je me sens à peine aigri, tout juste transi. Parmi les éléments de cet ouragan bruissant. Entre les branches de notre arbre généalogique. Un matin peut-être, une nuit sûrement. Je partirai leur offrir mes larmes en otage. Alors que devenues amnésiques, elles me parleront d’outrages.
Mais comment leur rappeler ces teintes de l’été ? Cet orangé marqué sur ma peau bronzée. Comme le talisman d’un trésor sucré. Maintenant impuissant dans les frissons d’un automne arrivé. Effeuillées, elles se sont désavouées. Divorçant dans la corruption de nos contradictions. Elles ont épousé le sombre d’une nuit d’hiver. Les teintes éruptives de mes enfers. En rougissant sur l’athanor le fer. Du sang de mes aurores crépusculaires.
Je me sens délaissé, abandonné. Mélancolique par fatalité. Sur la peau, je porte la corrosion de nos relations. Blanchâtre et fantomatique. Je deviens empathique. Par obligation, par frustration. J’erre des nuits entières. Dans des chemins creux. Les yeux clos, les mains dans le dos. Frileux et malheureux. Nostalgique, je balaie l’instant d’un recul saisissant. Hier est devenu le temps d’un présent envahissant.
La platitude de nos relations est misérable. Elles en sont devenues inaltérables. Dans l’aube de ces matins laiteux. Étirant leurs fils dans la langueur de rêves fiévreux. Je l’accole à cette mélancolie qui m’habite. Avec les couleurs pastelles d’un calice sacrificiel. Mon sanctuaire d’un passé composite. En oripeaux comme un épouvantail aux oiseaux. Et, je me rappelle hier. Lorsque nous étions fiers.
Complices d’un soleil sur la plaine étendu. Dans la clarté d’un temps convenu. Où lascives nos nuits embrasaient nos amours. Brûlantes sous les orangers d’Andalousie. Je m’en souviens pour toujours. Tes yeux brûlaient d’envie, ton corps aussi. Il irradiait mon esprit. Conquis, j’ai murmuré au vent notre récit. Il a souri pensant à demain, à nos hivers. Aujourd’hui, je fleuris notre cimetière.
Mais je veux croire en d’autres matins. Plus tièdes, plus mutins. Quand nos lumières ne seront plus amnésiques. Quand nos rêves s’uniront d’une tendresse pudique. Alors dans le passé, j’irai puiser l’oubli. Pour abolir et recouvrir nos cicatrices. Avant que ne s’éteignent les vertiges de nos folies. Pendant que s’élèvera le chant d’une cantatrice. C’est là que tu me proposeras que nous soyons amis.
Comme toujours, quand revient l’été. Depuis le temps, je m’y suis habitué. Avec posé sur nos faces le suaire de nos misères. Recouvrant le derme de nos infirmités. Comme un automne annonciateur de nos nuits d’hiver. Dans le cycle infernal de nos amours contrariés. Alors que s’enclenchera la répétition de nos insomnies. Vacillera la clarté d’une bougie. Veillant pudique et mélancolique. Sur nos lumières amnésiques.
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La nuit sur un fauteuil
Ce sel sur nos plaies à vif. Comme la litière d’un désamour curatif. Je veux parler à tes yeux, caresser tes cheveux. Renvoyant à hier les chœurs de mauvaises rancœurs. Là à me morfondre sur nos états généraux. Marqués en rouge sang d’une transhumance poussive. En errance traînant sur des chemins, frottant des sabots. J’ai eu une vision tentaculaire et corrosive. Nous étions imaginatifs et hyperactifs. Peignant sur des toiles des mondes inoffensifs. Il pleuvait ou il neigeait, nous étions affectifs. L’un collés à l’autre, prêts à se regarder.
Et le torrent éruptif de nos fractures élastiques. A balayé le sable de tout compromis. J’ai avalé des fruits allopathiques. Ainsi sont nés nos rêves antibiotiques. Éliminant nos fantômes emblématiques. Nous les avons accompagnés en terre. Fer contre fer, recouverts d’une dernière pierre. J’ai serré la main de nos désespoirs. J’ai embrassé les cyclones de trottoirs. Venus de si loin du fond du couloir. Abyssal où nous sommes au bord d’un plongeoir. Nous irons nourrir les loups de nos rages frénétiques. Comme si nous étions de sombres hérétiques.
Ce sel sur nos plaies à vif. Trace le cercle d’un anneau inexpressif. Porté autour du doigt, comme un talisman froid. J’écoute le son rauque de nos plaintes désabusées. Je choie ces nuits sur un fauteuil de cuir habillé. A observer les lents mouvements de notre néant. Je parle de cette mélancolie improductive. En nous qui devient invasive et excessive. Nos sens vagabondant dans tous les sens. Essence d’un bûcher où se consument nos carences. Dis-moi si nos corps ont aimé. Le contact sacré de se parler ?
Et le torrent éruptif de nos fractures élastiques. S’est approprié le droit de devenir allégorique. Projetant sur un écran noir son bon vouloir. Je t’ai vue grelotter ou même chantonner. Le refrain de nos jours passés et embaumés. Moi, spectateur unique et asymétrique. Fataliste aussi. Comme si. Tout était fini. Dans l’arabesque d’un arc en ciel archéologique. Je suis allé frapper aux portes de platine. En archiviste de nos heures câlines. Recevant l’accueil froid d’autrefois.
Alors, je courtise l’imprévisible, la douce éléphantine. De mes nuits sombres aux infusions d’églantines. Les fruits d’un printemps imaginaire. Nostalgique, il restera à jamais crépusculaire. J’aime ce temps, ce serment. Envahissant et tremblant. Sans faire semblant. Il reste du pacte du silence. Le cri ahurissant d’un rêve assagi. Je suis en transe. Nous deux comme un artifice. Poussant à son extrémité le vice. De tournoyer, de s’approcher, de se détester. Pour se réconcilier, mieux se repousser. J’en ai rêvé. Ce fut notre fatalité.
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