La répétition lente de tes doigts sur le piano. Le son plaintif qui s’en échappe. Entre au plus profond de moi. Égrainant la partition d’un fantôme sans intérêt. La cruauté de tes notes plongées dans mon corps décomposé frappent la vase de mes nausées. Éclaboussant une image que je n’ose plus affronter. Celle de l’abandon de toutes ces choses auxquelles je croyais. Étendard de mes pensées, porté en avant comme un croisé. Sans cause. Juste à cause. De toutes mes lâchetés. La mélodie lancinante de notre abandon se répète. Note après note. Jusqu’au bout des touches de ce piano du temps. Sur lequel nous nous sommes tant chamaillés. A coup de notes faussées par notre cruauté. Que tu épelles. Comme la litanie de nos péchés. J’entends leurs voix. Qui nous pointent du doigt. Nous accusant. Plus forts que toi, plus forts que nous. Lorsque nous étions fous. Nous écharpant dans des luttes enragées comme des loups. Carnassiers, happés par une vie que nous avions oublié de récompenser. De temps passés à nous aimer. Pour mieux contrôler toutes ces futilités parmi lesquelles nous nous sommes égarés. La répétition lente de tes doigts sur le piano. Le son plaintif qui s’en échappe. Est l’énoncé d’une repentance. Qui vient tardivement avivant cette douleur qui me lance. Plantée dans mes entrailles en bataille au delà du mal jusqu’au bord de la faille. Où le vide m’appelle. Chacun dans notre case. Avec ces vérités que nous ne voulons plus partager. Sans nous séparer afin de rien nous épargner. Noyés dans un tourbillon de vase. Trouvant dans la haine la raison d’enraciner nos peines. La répétition lente de tes doigts sur le piano. Le son plaintif qui s’en échappe. Pénètre chaque jour un peu plus au fond de moi, m’envahissant. Présent, pressant, obscurcissant ma perception du temps. Dans une usure lente et progressive qui dure. Celle que tu as voulue, j’en suis sûr. Marionnette dansant démembrée sur ces notes que tu égraines. Depuis ce temps où nous avons décidé de chasser l’amour de nos veines.