Mon pauvre amour. Nous reprendrons la route. Demain, en proie aux peurs, au doute. Quittant le château; ses tours. Nous les gueux pendus aux fils du temps. Nous irons par les chemins au cœur de forêts sombres. Frileux, trébuchant en nous enfuyant. Je vois des larmes couler de tes yeux. Remonter cette part d’ombre. Je la connais. Je ne peux l’apprivoiser. Un voile sur ton regard malheureux. Posé que je ne peux effacer. Nous deux. Derrière ces murs. Qui ne nous protègent plus. Seuls est notre nature. Fantômes est notre parjure. Perdus. J’aimerais te protéger. Comme toi, je suis effrayé. Par cette haine venue nous chasser. Toi qui n’est que voluptée. Les doigts à jouer. Sur un piano des notes enchantées. Je suis le seul à les écouter. Est-ce notre faute d’être différents, effrayants, fascinants ? On n’a rien demandé. Nous sommes le fruit d’une étrangeté. De n’avoir pas voulu se quitter. Vivants ou morts; sans remord. Nous n’avons pas de présent. Nous avons oublié le passé. Le futur est inexistant. C’est ainsi. Vont nos vies. Mon pauvre amour. Nous reprendrons la route. Demain, en proie aux peurs, au doute. Pour aller où ? Au fond d’un trou ? Délaissant ce château. Où tout était trop beau. Nos jours, nos soirs, leurs vertiges. De pièces en pièces à répandre les délices de notre torpeur. J’aime cette apesanteur. Ses lenteurs, ses couleurs. Une teinte sépia comme dernier vestige. D’un temps arrêté. Au bout de nos doigts. Une éternité. Pour une dernière fois.