Une image déformée, des couleurs exagérées, un ciel trop noir, trop mauvais. J’ai envie de te te dire que je ne me souviens plus de rien. J’ai envie de fuir ailleurs plus loin. Dans le feu, j’ai jeté l’album de nos photos. Celles où il y avait notre maison. Ses fenêtres fermées, des trous dans les carreaux. Un appel, une pulsion. J’ai regardé le brasier s’allumer. J’ai vu nos clichés se consumer. Là sans bouger. J’ai pensé regretter. Je n’ai pas bougé. J’ai aimé. Je me suis senti purifié. De pouvoir tout effacer. Il le fallait. J’ai respiré l’odeur des cendres les yeux fermés. J’ai fait un vœu trop noir, trop mauvais. Je ne peux te l’avouer. Notre maison, notre totem en image déformée, des couleurs exagérées. C’est comme çà que je la vois, la voyais. En château abandonné. Les fantômes dans ce cloaque venus s’enrhumer. Le quotidien de nos nuits. A s’épier, se guetter. Je n’ai pas oublié. C’est ainsi. J’ai maintenant la force de te le dire. Face à toi, j’étais faible, soumis. Incapable de m’enfuir. Par lâcheté, par facilité. Ma vie. Mon infini. A attendre je ne sais quoi. Certainement pas toi. Le début d’une force. La force de briser l’écorce. La haine m’a porté, endormi. Elle a bordé mes nuits. Mes cauchemars, leurs brouillards. Je me suis uni à leurs soirs. Je te suis devenu invisible, inaccessible. Impersonnel, irréel. Loin de toi. Refermé en moi. Ombre parmi les ombres. De siècles en siècles. Sans gémir. Croyant au pire. T’aimant à te maudire. Avoir quelque chose à se dire. Jusqu’à ce jour où. J’ai couru comme un fou. En manque de toi. Tu n’étais plus là. Orphelin de ta loi. Je n’ai que toi. Pourquoi m’as tu laissé là ? Les fantômes ne peuvent pas mourir. Les fantômes n’ont pas le droit de mourir. Je fais le malin pour ne pas pleurer, m’effondrer. Je suis seul abandonné. Transparent, absent. Une image déformée, des couleurs exagérées, un ciel trop noir, trop mauvais. J’ai envie de te te dire que je ne me souviens plus de rien. J’ai envie de fuir ailleurs plus loin. Je te mens, je me retiens. Je n’ai pu brûler nos souvenirs, je les ai maquillés. Notre maison d’un ciel trop noir. J’ai exagéré les contrastes comme si j’avais tenté de la brûler. Notre passé, toi, tout ce qui me restait. Les miettes que les oiseaux ne voulaient. Je me suis apitoyé. Je me suis relevé. Tournant la page avec le mirage de colorier nos dernières images. Une folie, une envie pour ne pas effacer les lueurs de nos dernières bougies. Ainsi maintenant s’enfuit ma vie. Mon infini.