Dans la nuit de tes cauchemars, il existe un escalier magique. Que tu montes pas à pas le cœur en panique. Au bout se trouve une porte de bois petite et sombre que tu ouvres lentement arrivant devant un miroir. Peu à peu s’éclairant à l’intérieur le reflet de bougies vacillant sous le souffle d’un vent s’échappant d’une forêt endormie. Recouverte de la pluie d’un hiver chargé d’une profonde mélancolie. S’étendant jusqu’aux rives d’un étang. Les arbres dénudés, transis, se reposant alanguis. Les herbes jaunes brûlées par le froid le bordant. Toi, plongeant les pieds nus dans l’eau, la peur te saisissant. Dans le miroir, ton image se troublant, l’inquiétude t’étreignant de te sentir dans la vase t’enfonçant. Mais, progressivement le voile lumineux des bougies se rallume, te rassurant en projetant à l’intérieur du miroir les images d’une ville endormie baignée de couleurs jaunes qui te caressent. Dans le silence de rues, tu avances entre de hautes maisons grises; dans cette absence de vie, tu progresses. Le long de murs vieillis, de portes majestueuses, fermées par de lourdes serrures, de nouveau la peur s’installe. Elle te prend à la gorge, tu n’as qu’une idée, sortir, t’enfuir, jusqu’au bout de la rue, n’importe où, courir vers une sortie à travers le dédale. Pousser une porte, l’unique restant ouverte, entrer dans une grande salle. Tomber devant un miroir, trouver dans son reflet l’image d’une route de montagne montant à travers les bois en accéléré. Un soleil vif et agressif perçant entre les branches d’arbres aux feuilles séchées. L’angoisse au ventre, portée par la violence de l’accélération, tu suffoques. Juste au moment d’être jetée au sol, tombant sur le sol détrempé, le croassement de corbeaux qui se moquent. De toi, faible proie dans une nuit maquillée des couleurs blanches de la lune, tu erres jusqu’au pied d’un château en ruines. La pluie dégoulinant sur les pierres abimées, les fenêtres crevées, les murs en lambeaux, tu montes un escalier le visage recouvert de bruine. Tu gouttes les perles humides se posant sur ta langue, elles ont le goût salé de ton sang. Tu veux te réveiller mais le rêve te reprend. Te jetant au bord d’un étang. Peu à peu ta tête s’enfonce au fond de l’eau frôlant la vase, des bulles d’air remontant à la surface où se flâne un couple de cygne blanc. Les yeux fermés, se touchant. Leur présence accapare ton esprit, tu veux les rejoindre, tu nages sans jamais parvenir à t’en approcher. Eux s’éloignant, toi t’endormant. Portée par le rêve qui te place devant le miroir. Où tu ne rencontres que le reflet du noir. Aveugle, tu touches les bords de son cadre, tes doigts se piquent, se griffent, tu as mal. Tu cries, tu supplies pour sortir du rêve qui t’enlace prisonnière dans une cage comme un animal. Tu n’as qu’une idée en tête, trouver la porte d’entrée du cauchemar pour t’en échapper, te libérer. Mais il n’y a que l’écho de ton souffle brûlant se heurtant aux murs de pierres. Puis, le vide après le néant jusqu’au bout de la mer. Où ton corps dérive jusqu’à une île, ses rivages accueillant, un soleil se levant chaud et fier. Tes pieds touchent le sable, montent les premières marches d’un escalier. Jusqu’à la nuit tombante où tu t’arrêtes sur le pallier. Au bout se trouve une porte de bois petite et sombre que tu ouvres lentement arrivant devant un miroir. Peu à peu s’éclairant à l’intérieur le reflet des lumières de bougies vacillant sous le souffle d’un vent provenant du fond d’une forêt endormie. Recouverte de la pluie d’un hiver chargé d’une profonde mélancolie…