Je me souviens de ce château où nous allions nous promener. Nous marchions le long des douves regardant l’eau refléter les hauts murs, les rares fenêtres blanches. Parfois, quelques canards passaient, un couple de cygnes les accompagnant. Nous les regardions avancer de leurs pattes palmées laissant derrière eux les vagues de leur promenade. Tu aimais ces moments particuliers où des petits les suivaient naïvement. C’était le printemps, les beaux jours. Peut-être pensais-tu qu’un jour nous viendrions, dans les allées de ce château, des enfants jouant derrière nous ? Je ne le sais pas. L’idée m’a souvent effleuré.Tu étais si secrète. Je me suis caché derrière tes silences. C’était ma façon de t’accompagner. Nous sommes venus, des années durant, sans prendre conscience que nos promenades n’avaient pas de but. Ce vide portait la valeur d’un refuge jusqu’à ce jour où je ne t’ai plus vue. Il pleuvait. J’ai pris du retard sur la route, un ralentissement, des conducteurs hésitants, je suis arrivé cinq minutes plus tard que de coutume. Tu n’étais pas là sous le porche de l’entrée. La pluie n’avait pas pu t’arrêter. Combien de fois avions nous affronté le vent, les averses, les tempêtes ? En venant, j’avais le pressentiment de ton absence. C’est facile de le dire maintenant. Le porche vide, ta frêle silhouette qui n’est pas posée devant la haie de lauriers, ces signes ne m’ont pas trompé. Je ne connais pas ton adresse. Où te chercher, où te trouver ? Le voudrais-tu tout simplement ? Il ne me reste que cette question es-tu partie lassée de m’attendre ou as-tu refusé de venir ? Je n’ai pas envie de connaître ta réponse. Pour savoir que nous n’avions aucun avenir ensemble. Je l’ai toujours su. Depuis, je fais le tour du château, seul. Les canards, les cygnes ont vieilli, leurs enfants ont pris la relève animant les douves du château. Je marche sans but les regardant avancer sur l’eau. Je pense souvent à toi le fantôme de mes promenades. As-tu vraiment existé ?