Le matin, en me levant, je sais que tu seras là. Le soir, tu m’accompagneras au moment de me coucher. C’est simple, régulier, routinier. Tu aimes les habitudes. Elles sont dans ta nature. Les habitudes te sécurisent. Tu te sens protégée. Je l’ai accepté car tu ne pourras jamais changer ce qui est inscrit en toi. Je t’aime pour cela et pour tant d’autres choses. Je hais les habitudes, la routine mais tu en as besoin pour te sentir bien. C’est ta nature. Je l’accepte car je t’aime. Je n’arrête pas d’utiliser ce verbe. Je le conjugue à tous les temps. Je le conjugue à ce temps si imparfait de cette routine qui lui enlève sa vraie nature. D’ailleurs, je ne sais plus vraiment ce que c’est que de t’aimer. Le matin, tu es là. Le soir tout autant. Mon amour est rongé par l’habitude. Cette répétition lancinante n’est qu’un appel vers ce vide où je m’étale avec trop d’aisance. Je l’ai compris, hier, lorsque tu as glissé, que tu t’es cognée. Tu as titubé. Tu as failli tomber. J’ai ressenti ta douleur, le danger qui venait de te menacer. J’ai eu peur de cette peur affreuse, violente qui a produit une faille en moi. Il y avait au fond le vide de te perdre. J’ai mesuré ce que tu représentes pour moi, ce qui donne un sens à notre vie de chaque jour. Le bonheur de voir l’éclat de tes yeux, leur façon si vive de me regarder. J’avais oublié que je pouvais te perdre, que nous pouvions nous perdre.Ta chute a brisé en moi le mot aimer et ses pollutions routinières de chaque jour . Je l’ai remplacé par cette crainte que nous pourrions nous perdre à jamais. Elle est plus vive, plus forte que ce verbe aimer que je hais, que je déteste, si facile à utiliser, incapable de définir ce que j’ai ressenti lorsque j’ai failli te perdre.