Il y a nos murs détruits qui s’érodent de cette mousse qui pousse dessus. Venue assécher l’âme de toutes ces choses qui nous ont émus. Remplaçant nos tableaux, ce décor que nous avions imaginé, entourant nos passions, ce que nous aimions. Il y a cette nuit où tout a explosé, nous violant, venant brûler nos secrets. Arrachant notre toit, notre sécurité en échange d’une mort glacée perdue dans un lieu que nous ne reconnaissons plus. Seuls, errant entre le vrai et le faux, sans savoir où va le temps ? Vidés de nos forces, avalées par la sangsue de l’oubli. Se lovant dans les ruines d’un palais garni de fleurs de l’été. Poussant sur un sol jonché de débris.Il y a cette lumière venue d’un autre monde qui ne peut nous réchauffer. Froide, habitée de cette blancheur qui nous empêche de nous reposer. Apparue avant de mourir. Juste à l’instant de fuir. Vers un autre lieu pour tout reconstruire. Notre vie passée. Ce château aux murs habités de nos tableaux, de nos vérités. Que nous voulions exposer. A nos yeux, chaque matin, dans la douceur de notre quotidien. Il y a le silence. Qui hurle notre absence. Comme une indécence que nous sommes les seuls à relever. Entre les ruines de ce château que tous pensent abandonné. Il reste ce temps à attendre notre libération. Venue ouvrir les portes de notre prison. Où nous tournons en rond entre ces murs que nous avons tant aimés. Il y a beaucoup de fleurs qui ont poussé puis se sont fanées, autant d’hivers à endurer. Avec cette question de savoir pourquoi nous sommes encore là ? Seuls à détester la répétition de nos jours conduisant à lézarder notre amour. Je n’aurais pas cru que nous puissions tomber aussi bas. Avant, nous étions si bien dans la lumière laiteuse de nos petits matins. A contempler le monde, nous croyant insubmersibles, noyant notre regard dans une vision futile de toutes choses, cela nous était si facile. Je me souviens. De tes longs silences, les yeux perdus dans le lointain. Comme si tu redoutais que nous ayons à quitter notre domicile. Tu m’en parlais. Je sentais que tu le craignais. Pour te rassurer, je t’ai fait cette promesse. De ne jamais nous séparer. Il y a des mots qui raisonnent dans ma tête. Comme ce serment de toujours t’accompagner. Aujourd’hui, il me pèse, m’empêchant de m’échapper, de me glisser dans la lumière laiteuse du petit matin, de disparaître. Je sais que tu ne me suivrais pas. Ce château est la racine de ton être. Il m’ a permis de paraître. De faire semblant, d’aimer notre temps. Nous étions des enfants. Jouant à se prendre pour des grands. Orphelins, sans père, ni mère. Sans parent. Nous avions fait de notre château l’endroit où nous étions à l’abri pour faire semblant. De ne pas avoir peur, d’exister en marge de ce monde où nous avons jamais eu notre place. Aujourd’hui, je sais que nous nous sommes inventés, une histoire, pour faire vibrer une vie sans trace. Entre les murs de ce château que nous avons toujours connu détruit, hébergeant notre ennui. Il y a cette mémoire qui s’efface. Il y a ce doute que je redoute. Comme un môme. De ne plus faire face. A nos existences de fantômes. Il y a cette impuissance. Montant lentement en moi, transformant mes sens. Asséchant l’âme de toutes ces choses qui m’ont ému. Hurlant notre absence comme une indécence que nous sommes les seuls à relever. Je tremble car je ne puis plus. Vivre dans cette prison que nous avons façonnée. En attente d’une libération qui ne viendra jamais. Rêve de toi, rêve de moi totalement fabriqué. Parfaitement imaginé, masquant notre différence. Il y a aujourd’hui cette souffrance. Que j’aimerai tant te faire partager. Que tu comprennes, te poussant à t’échapper. Nous n’avons plus rien à faire entre les murs de ce château le regardant pourrir en attente d’un ultime soupir. Je ne peux plus faire semblant d’aimer notre temps. Je rêve d’un ailleurs où nous n’aurons plus besoin de tressaillir. Il y a cette peur de partir. Sans toi. Qui me pousse à te tendre la main. Allons viens ! Partons en un lieu où nous serons à l’abri d’un autre toit. Il y a cette terreur infinie du départ, de devoir t’en poser la question. Avec la crainte ultime de t’entendre dire non.