Je ne dormirai pas ce soir. Attendant le bec du corbeau. Cognant sur la vitre du soir. Le signal pour partir au galop. Sur les sentiers interdits. Au sol piétiné par les sabots. De mes spectres et de leurs chevaux. En furie à l’approche de l’écurie. Dans le culte d’une lune noire. Avec de la paille et des bougies. Proche d’un brasier dérisoire. Les mains au-dessus du feu. Pour être comme eux. Moi, hésitant et transi. Longtemps je suis resté ainsi. Muet les regardant danser.
Je me suis levé. Puis, me suis envolé. Par-delà la Vistule. Au-dessus des péninsules. En marin ivre et balloté. Par ces mauvaises mers. Haïssant leurs enfants. Abandonnés au cap Horn. Parmi un troupeau de baleines. Parlant à une licorne. Beuglant à perdre haleine. Dans une cacophonie attendrie. J’ai lu le poème de leur vie. Puis me suis assoupi. Me réveillant au bord d’un lac noir. Sous le regard du cygne noir. Me veillant avec l’espoir. De l’accompagner sur les ondes. D’une nuit triste et profonde.
J’ai rêvé le présent. Avec des teintes évanescentes. D’une mélancolie de l’instant. Dans une infusion lente. Des vapeurs d’un soir. Toujours et ce soir. Je me hais, je suis laid. Normal pour un animal. Que tu flattes d’une caresse. Que tu frappes sur les fesses. En écume de tes vagues. Sur ces plages bleues. Où mes yeux te draguent. De mille feux. Pendant que tu manges des mangues. Juteuses du bout de la langue. Sous le regard de noyés. Sortant de la mer attirés. Par le sel de l’exil. Quitte à se mettre en péril.
Je prendrai le dernier train. Pour fuir et revenir demain. Masochiste ou alchimiste. A tes basques attachés. Huitre abandonnée sur un rocher. Dans la nécrologie de ses envies. Cela sera dit et écrit. Dans le testament d’un écureuil. S’envolant par-dessus les écueils. D’une nuit et d’un soir. Maintenant et ce soir. Tandis que le vent se lèvera. Et que tu secoueras les draps. Parchemin de nos festins. En miettes nourrissant le corbeau. Qui viendra frapper au carreau. Moi, lui susurrant quelques mots. Empruntés à la mémoire avec un rabot.
Je lancerai l’anathème. De nos pensées communes. Pour toi que j’aime. Sous une lune brune. Dans le miroir de mes ciels noirs. Cristaux étincelants de noir. Sur le collier de ton cou fragile. Volé à un bijoutier fanatisé. Par l’éclat d’un présent inutile. Moi, qui lui parlais archipels. Là où les coquillages rendent les femmes belles. Je me suis lassé de nos querelles. Et m’en suis allé manger des glaces. Faîtes avec des demi-fruits. La nuit par des chats sur une place. Ces enfants inconnus. Que nous avons reconnus.
Je saisirai mes regrets. Ferai infuser leurs larmes. Dans une théière d’argent. Sans rendre les armes. Tuant le dragon insistant. Qui vend des roses noires. Sur un fleuve noir. Au gré du hasard. De nos nuits, de nos cauchemars. Parle-moi de pitié. Pour nos âmes éplorées. Prononce des mots. Qui teintent les ailes du corbeau. Cognant sur la vitre du soir. Voyeur transgénique de grand savoir. Car ensemble nous ne dormirons pas ce soir.