J’étais au temps d’hier. Nageur dans un fleuve de pierres. Aux eaux bleutées et chaudes. Dans le tourbillon de sirènes qui minaudent. Sous le vol de rapaces inconnus et absents. A mes yeux s’endormant. Dans le lit romanesque d’un présent.
J’étais cannibale de ces instants. En dévorant la chair et les viscères. Des vibrations du vent. Apportant la tiédeur des alizées. A un cœur supposé pur. Battant les mêmes mesures. Qu’un soleil de juillet. A mes pieds venus caresser. Les estuaires d’un paisible été.
J’étais l’otage d’un temps éternel. En faisant le vœu de lui rester fidèle. Par-delà les éclairs et les ouragans. Quand les cieux se font étouffants. Que le vin apporte un goût de pourriture. Pendant que fermente un sentiment de droiture. Derrière le paravent d’un parjure.
J’étais l’acteur immobile. D’un drame au décor hémophile. A sang perdu dans un caniveau à perte de vue. S’écoulant sur les pages d’un journal. Où s’écrit la nécrologie. De journées acides et banales. Bariolées de teintes de mélancolie.
J’étais enfant insolent. Sur le pont d’un bateau abandonné. Aux tempêtes, aux canicules indélébiles. Entre des hémisphères noyés. Par des larmes de crocodiles. En procession autour d’un monde. Où hier est une blessure profonde.
J’étais l’unique spectateur. De l’inconnu sorti d’une boule de cristal. Échevelé au sourire infernal. Parti à la conquête de nos peurs. Avec un lasso étranglant nos fureurs. Et, je regarde ce temps d’hier. En animal au cœur de pierre.