Dans le regard d’un lion en cage, j’ai vu la misère de nos jours perdus. Tremblante sous le vent et la pluie dans le frémissement. D’une crinière ayant abandonné la flamboyance qu’elle eut. Je me sentis si seul au bout de ce monde se fracassant. Dans un bar aux têtes d’animaux sur le mur empaillés. M’observant de leurs yeux exagérément exorbités. Je ne pouvais boire à leur santé mais je le fis.
Ni coupable, ni animé d’une pulsion animale, j’ai entendu. Battre le souffle court de leurs courses folles vers un ailleurs. Où se mit à raisonner le requiem de leurs jours perdus. Sur un piano de bar, dans un nuage de cigares, repris en chœur. Par des hurlements de chiens et de loups dévorant passionnément leurs viscères. Ultime instant de la curée sous une futaie. Forêt d’un ultime tombeau sans pierres, ni cimetière.
Qu’un seul mur pour la postérité en trophées de paille embaumés. S’adresse à mon regard pour me noyer dans leur miroir. Afin de comprendre, entendre et savoir. Si demain quand il ne restera rien, adviendra la paix ? Mais dans le bar les gens hurlaient comme possédés. Par l’odeur du sang séché sur des murs délavés. Les pieds trempés dans de la bière s’échappant de fûts éventrés. Rouge, elle s’écoulait à perte de vue jusque dans la rue. Alors que je pleurais sur la tombe de nos jours perdus.
Monocorde et fade, il était comme cette bière éventée ma dernière amitié. Je ne la connaissais que trop ; trop présente, si souvent traumatisante. Fugitive dans son essence, capricieuse par vice ou par pitié ? Elle provenait d’autres vallées mystiques où la paille ne remplit pas le corps des apôtres. Tous ont un dieu, la liberté ; un projet, passer des journées à gambader. Se protégeant à jamais de la nostalgie de leurs jours perdus.
Alors j’ai fermé les yeux, ivre à l’inconnu. Piétinant les traces abimées de nos jours perdus. Je me suis rappelé les heures brûlantes et ensoleillées. Reflets de journées passées sans présent glacé. Maintenant accroché sur un mur à perpétuité. Aux corps froids, aux regards à jamais vides. Je me suis senti un des leurs. Alors que s’est arrêté de battre notre cœur. Arides seront nos vallées, déserts sont nos projets. Dans l’éclair d’une balle venue éteindre notre ardeur.