Une parcelle de toi et moi
Chanté en allemand ou en anglais peut-être en italien, je ne sais plus. L’opéra noir s’étire mollement sur le clavier de l’orgue, joué par les fantômes de nos souvenirs, je ne me rappelle plus. Reste le texte inachevé de mots écorchés de peur d’être prononcés. Capables d’ouvrir des portes que l’on ne saura refermer. Comme la peur, l’amour, l’amitié. Je te vois terrorisée presque recroquevillée. Paralysée à l’idée de devoir te lancer. D’imaginer ce que sera la fin de ce texte endiablé. Qu’inexorablement la mélodie rapproche vers ce mur où nous sommes prostrés. Je ne sais pas, je ne sais plus. Raisonne les notes sans vie d’un opéra noir mettant nos souffrances à nu. Je ne sais pas, je ne sais plus. Si la mélodie trouve dans sa répétition les raisons de notre castration. Ce vide sidéral nous enveloppant vers une issue fatale. Vibre en moi un sursaut animal. Pour nous échapper. Courir, fuir. Pour nous sauvegarder. Bondir, ne pas mourir. Pour exister. Dans tes yeux, je le veux. Le désires-tu ? Je ne sais pas, je ne sais plus. L’opéra noir ondule, serpente, sur les blanches et les noires du clavier. Caressé par le clone d’un être humain placé là pour jouer les utilités. Il y avait tant de raisons de nous en aller. Pourtant, nous sommes restés. A écouter battre nos cœurs. Étouffés par cette peur de nous quitter. Nous avons l’habitude de trouver dans la routine la force de nous supporter. Est-ce le début de l’amour pour toujours ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Il y a cette tristesse s’évaporant de l’opéra noir. Cette forme de désespoir qui passe sur nous comme un laminoir. Laissant au sol des petits bouts de toi. Des petits bouts de moi. Certains se sont collés, se sont attirés. Tu as dit aimanté. Comme si cela pouvait te contenter. Je souscris à cette bonne idée. Il restera toujours une partie de nous fusionnelle. Presque éternelle ? Je ne sais pas, je ne sais plus. L’opéra noir s’est interrompu. Il y a ce silence pesant comme un appel. Ce vide qui nous aspire. Je n’ai pas peur, je n’ai plus peur. Tenant en main une parcelle de toi et moi.
Lire la suiteNos ombres qui s’effacent
J’aime à penser que l’on s’attend. Dans un dédale au delà du temps. Prenant les heures et les secondes tout doucement. Au milieu de hautes colonnes touchant le ciel. Par delà la pluie et les nuages. S’envolant sur les ailes. De ces rêves que l’on partage. Qui nous portent à nous rechercher. A espérer nous trouver. Sans jamais hésiter, ni douter. Il y a dans le labyrinthe de nos pas. Cette idée de vivre là. Derrière de hauts murs, protégés de toutes ces choses qui nous rendent las. En échange de la nuit de notre sarcophage. Peints aux couleurs de notre mirage. Tous deux vivant en se recherchant. Lentement pour croire qu’un jour on se verra. Ou peut-être pas ? Nous aurons eu pour projet de nous aimer. Sans salir ce rêve de l’imaginer en faux ou en vrai ? Nous aurons cru en lui, en nous, en quelque chose. C’est notre richesse, la force de nos pas pour que l’on ose. Progresser entre les colonnes de notre tombe emprisonnant notre ultime secret. Celui que l’on a pu emporter et protéger. Dans le creux d’une pensée au coffre fort blindé. Par tout ce que l’on a voulu rejeter. Pour mieux s’abandonner, dériver, sans impureté dans le bonheur de nous rêver. Ensemble, nous éclairant de notre envie de ne rien faire avec la seule volonté de le faire. Hymne à l’envie d’enfermer notre passé dans un musée empoussiéré. De tout ce qui nous a pollué en nous détournant de cette seule vérité. Nous trouver, nous aimer, nous laissant emporter. Par le courant d’air frais soufflant entre les colonnes. Avec les éclairs, le tonnerre qui tonne. Toi et moi secoués par la peur, rassurés d’être réunis dans la terreur. Angoissés de se trouver séparés alors que l’on vient de se rencontrer. Dans le labyrinthe, le bonheur sur le visage posé. C’est comme çà que je l’avais imaginé. N’ait pas peur, c’est encore mieux en vrai. D’avoir pu t’approcher, te toucher, d’oser te parler. Dans mes rêves tu n’avais pas de voix. Mes espoirs ne faisaient pas le poids. Là, c’est différent maintenant. Je le sais à des riens, à ta main. Qui serre la mienne doucement. Nous en allant ensemble dans le labyrinthe. Advienne ce qui arrivera, ma joie n’est pas feinte. La tienne non plus. Sans personne pour raconter ce que nous avons vécu. Sans trace, sans souvenir juste nos ombres qui s’effacent. C’est ce que nous avons toujours voulu.
Lire la suiteLe cauchemar
Dans la nuit de tes cauchemars, il existe un escalier magique. Que tu montes pas à pas le cœur en panique. Au bout se trouve une porte de bois petite et sombre que tu ouvres lentement arrivant devant un miroir. Peu à peu s’éclairant à l’intérieur le reflet de bougies vacillant sous le souffle d’un vent s’échappant d’une forêt endormie. Recouverte de la pluie d’un hiver chargé d’une profonde mélancolie. S’étendant jusqu’aux rives d’un étang. Les arbres dénudés, transis, se reposant alanguis. Les herbes jaunes brûlées par le froid le bordant. Toi, plongeant les pieds nus dans l’eau, la peur te saisissant. Dans le miroir, ton image se troublant, l’inquiétude t’étreignant de te sentir dans la vase t’enfonçant. Mais, progressivement le voile lumineux des bougies se rallume, te rassurant en projetant à l’intérieur du miroir les images d’une ville endormie baignée de couleurs jaunes qui te caressent. Dans le silence de rues, tu avances entre de hautes maisons grises; dans cette absence de vie, tu progresses. Le long de murs vieillis, de portes majestueuses, fermées par de lourdes serrures, de nouveau la peur s’installe. Elle te prend à la gorge, tu n’as qu’une idée, sortir, t’enfuir, jusqu’au bout de la rue, n’importe où, courir vers une sortie à travers le dédale. Pousser une porte, l’unique restant ouverte, entrer dans une grande salle. Tomber devant un miroir, trouver dans son reflet l’image d’une route de montagne montant à travers les bois en accéléré. Un soleil vif et agressif perçant entre les branches d’arbres aux feuilles séchées. L’angoisse au ventre, portée par la violence de l’accélération, tu suffoques. Juste au moment d’être jetée au sol, tombant sur le sol détrempé, le croassement de corbeaux qui se moquent. De toi, faible proie dans une nuit maquillée des couleurs blanches de la lune, tu erres jusqu’au pied d’un château en ruines. La pluie dégoulinant sur les pierres abimées, les fenêtres crevées, les murs en lambeaux, tu montes un escalier le visage recouvert de bruine. Tu gouttes les perles humides se posant sur ta langue, elles ont le goût salé de ton sang. Tu veux te réveiller mais le rêve te reprend. Te jetant au bord d’un étang. Peu à peu ta tête s’enfonce au fond de l’eau frôlant la vase, des bulles d’air remontant à la surface où se flâne un couple de cygne blanc. Les yeux fermés, se touchant. Leur présence accapare ton esprit, tu veux les rejoindre, tu nages sans jamais parvenir à t’en approcher. Eux s’éloignant, toi t’endormant. Portée par le rêve qui te place devant le miroir. Où tu ne rencontres que le reflet du noir. Aveugle, tu touches les bords de son cadre, tes doigts se piquent, se griffent, tu as mal. Tu cries, tu supplies pour sortir du rêve qui t’enlace prisonnière dans une cage comme un animal. Tu n’as qu’une idée en tête, trouver la porte d’entrée du cauchemar pour t’en échapper, te libérer. Mais il n’y a que l’écho de ton souffle brûlant se heurtant aux murs de pierres. Puis, le vide après le néant jusqu’au bout de la mer. Où ton corps dérive jusqu’à une île, ses rivages accueillant, un soleil se levant chaud et fier. Tes pieds touchent le sable, montent les premières marches d’un escalier. Jusqu’à la nuit tombante où tu t’arrêtes sur le pallier. Au bout se trouve une porte de bois petite et sombre que tu ouvres lentement arrivant devant un miroir. Peu à peu s’éclairant à l’intérieur le reflet des lumières de bougies vacillant sous le souffle d’un vent provenant du fond d’une forêt endormie. Recouverte de la pluie d’un hiver chargé d’une profonde mélancolie…
Lire la suitePhantoms of pale mornings
A door opened, slowly, letting appear. Steps, a light before not being. That an uninterrupted water flood carrying beings so much. With the drift carried by the torrent of a crowd moving. Forced march around another morning before the sky rises. Erasing the day before without being turned over as if nothing had occurred. So quickly forgotten, without any truce. For this progression without end on the single way to trace towards the distance. According to the walk of the first, fighting to remain it. Extinguishing the day; leaving only the black not to see more. Carrying a candle which does not have anything any more a spark. Single recall. Existence of these phantoms of pale mornings. Who cannot be caught the hand any more. Losing little by little. The originality which could have made them. Happy vagrants. On stonier ways. Far from the highway accessible and so easy to be flexible. The door was closed again, slowly, letting disappear. The last avoiding appearing. That a stolen image. With this impression repeated many times. To have seen passing this procession. Beings dead and buried without another projects. To add the blocked days. With the chain of worn thoughts. Worn the nap off with the stone of silence. Phantoms whose nobody notices the absence. Avoiding offense. To look at them passing. Each evening, of their steps forced by thinking that there is nothing to envy to them. If is not to protect itself. To fall on their paving stones.
Lire la suiteLes fantômes de pâles matins
Une porte s’est ouverte, lentement, laissant apparaître. Des pas, une lumière avant de n’être. Qu’un flot ininterrompu d’eau portant tant d’êtres. A la dérive emportés par le torrent d’une foule en mouvement. Marche forcée vers un autre matin avant que le ciel ne se lève. Effaçant la veille sans se retourner comme si rien ne s’était passé. Si vite oublié, sans aucune trêve. Pour cette progression sans fin sur l’unique chemin de tracer vers le lointain. Suivant la marche du premier, luttant pour le rester. Éteignant le jour; ne laissant que le noir pour ne plus voir. Portant une bougie qui n’a plus rien d’une étincelle. Unique rappel. De l’existence de ces fantômes de pâles matins. Qui ne savent plus se prendre la main. Perdant peu à peu. L’originalité qui aurait pu faire d’eux. Des vagabonds heureux. Sur des chemins plus caillouteux. Loin de l’autoroute accessible et si facile de se montrer docile. La porte s’est refermée, lentement, laissant disparaître. Le dernier évitant de paraître. Qu’une image volée. Avec cette impression maintes fois répétées. D’avoir vu passer ce défilé. D’êtres morts et enterrés sans autre projets. Que d’additionner les journées entravées. A la chaîne de pensées usées. Élimées à la pierre du silence. Fantômes dont personne ne remarque l’absence. Évitant l’offense. De les regarder passer. Chaque soir, de leurs pas forcés en se disant qu’il n’y a rien à leur envier. Si ce n’est de se protéger. De tomber sur leurs pavés.
Lire la suiteLe loup
De la gueule du loup coule le sang. De la chair en lambeaux entre les dents. La truffe rouge, le poil collant. Regard envoutant. Fils d’une louve et d’un chevalier errant. Union improbable brisant le serment. De l’équilibre du ciel et du temps. De la gueule du loup coule le sang. D’une bête capturée. Brisée d’une mâchoire acérée. Sous la pression de crocs assoiffés. D’une langue voulant laper. La vie partant en giclées. Le poil éclaboussé. Les griffes plantées. Pour mieux déchirer. De la gueule du loup coule le sang. Sans hésiter pour s’unir. Aux râles avant de mourir. De la biche arrêtant de souffrir. Ayant fini de fuir avec la peur de faillir. Courir inutilement avant de gémir. Fauchée par l’envol du prédateur coupant le souffle qui respire. De la gueule du loup coule le sang. Sur un sol de fleurs. Exorcisant le malheur. D’une affreuse douleur. Qui n’a que le rouge de couleur. Laissant une tache noire toute à l’heure. Ultime trace d’une terrible peur. De la gueule du loup coule le sang. Aux yeux naturels. Habités d’une violence cruelle. Sans appel. Jetant sur sa proie la puissance de son corps rebelle. D’une grâce qui pourrait être belle. Portant la haine sur ses ailes. De la gueule du loup coule le sang. De l’errance dans la solitude de longues nuits. Sans compagne, puni d’être le mauvais fruit. D’amours interdits. A qui rien n’est permis. Si ce n’est le plaisir de ce qui détruit. Fais pour creuser le lit. D’une mort dans une lente agonie. Au -delà de l’ennui. De la gueule du loup coule le sang. D’une dernière confession. Ultime répulsion. Avant de mettre en parenthèses tant de questions. Sur la raison de cette lente aversion. De ne plus trouver de passion. Dans la chasse et sa conclusion. De la gueule du loup coule le sang. Amer. Froid comme le vent de l’hiver. Solitaire, cherchant la raison de ce mystère. Qui peu à peu enterre. La raison et le caractère. D’une âme autoritaire. De la gueule du loup coule le sang. D’une tristesse. D’une maladresse. Qui se pressent. Faisant ressortir ce mal qui oppresse. D’être seul dans cet océan de rudesse. Loin de toute tendresse. N’exprimant que ce qui blesse. D’une attitude vengeresse. De la gueule du loup coule le sang. D’un reflet bleu. Brûlant comme le feu. D’un ultime aveu. De ne plus être heureux. D’errer abandonné sous de mauvais cieux. Sans maitresse, ni dieu. Juste coincé à la mauvaise place tout au milieu. Celle où il reste si peu. Que ce goût à peine gouteux. Du rouge et du salé unis tous les deux. Vampire laborieux. Voué à être malheureux. De la gueule du loup coule le sang. Qui n’arrête pas de suinter. Programmé pour tuer. Quitte à le répéter sans aimer. Détester, haïr cette destinée envoutée d’être mal né. Où il est écrit à jamais. Que de la gueule du loup coulera le sang.
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