Un autre temps
Sur la peau morte du parchemin de nos vies. J’ai oublié un point ou peut-être une virgule. Une pause de silence dans le tourbillon infini. Et contraint parmi nos grimaces ridicules. Je me souviens qu’il ne me reste plus rien. Que les miettes et les poussières de concessions joyeuses. Les apostrophes de luttes féroces et tapageuses. Sur le lit de nos existences éreintées. Alors que nous étions assoiffés à jamais. Des liqueurs précieuses de notre bonheur.
Lire la suiteOn oublie tout
On oublie tout. Comme ça. Sur un coup de tête. On oublie tout. Maintenant et là. Inouï ou bête. On oublie tout. Pour faire la fête. Comme des fous. En cet instant qui bouleversera. Ce qui était défini. Comme une réalité. En couleur sépia. Ou comme un tout. Irréversible et qui consignera. Le rêve ébloui. Des émotions d’une nuit.
On oublie tout. Comme ça. Méprisant hier. En un instant. Sans regret amer. Juste le présent. Maintenant et là. On oublie tout. Comme ça. Par provocation. Et croire en l’illusion. Que tout était faux. Pendu à un poteau. Maintenant et là. On oublie tout. Comme ça. Jusqu’au bout. Sans imprécation. Par rébellion. En se laissant aller. Portés par les alizées.
On oublie tout. Comme ça. Le besoin d’un renouveau. On oublie tout. Maintenant et là. On oublie tout. Changeant de peau. Délaissant la dépendance. Embrassant la transe. Vierge d’un étrange paradis. On oublie tout. Comme ça. Courant vers lui. Maintenant et là. Avec son goût de sucrerie.
On oublie tout. Comme ça. Une main sur les yeux. On oublie tout. Maintenant et là. En faisant ce vœu. Irrationnel d’être une hirondelle. On oubliera tout. Là-haut dans le vent. Planant dans les courants. Méprisant les trous. Placés devant nous. On oubliera tout. Maintenant et là. Comme ça. On oubliera tout.
Lire la suiteLa plaine de neige
J’ai dans les yeux des images d’hier. Sans parvenir à me souvenir. Sont-elles noires ou rousses ? Ont-elles encore des saveurs ou des odeurs ? Amères, je les imagine diffuses et douces. Une tendresse, un attachement à leur totem. Elles sont ce qui me reste des choses que j’aime. Cette sensations guide mes pas sur la plaine de neige. En ce soir de pénombre qui me protège. Des lumières vives d’un jour que j’abhorre. Je progresse dans cette mélancolie que j’adore. Puisant dans l’inutile ce sentiment fragile. D’être une particule invisible et inaccessible.
J’ai dans les yeux des images d’hier. Les traces de mes pas sur la plaine de neige. Le vent, le froid, les hurlements des chiens, cet absolu. La morsure du temps, mes sens pris en étau dans un piège. Nu et sans abri dans la futilité de mes empressements. J’oublie comme si la présence de ce rien n’enfantait que des poussières. En faisant semblant de n’être qu’une variation particulière. Un fragment inutile et suranné posé de manière intemporelle. Sur la voie lactée de promesses infusées et immatérielles.
J’ai dans les yeux des images d’hier. Tristes et éblouies. Chapardant au vide ce qui nourrit son vertige de l’infini. Se protégeant derrière un voile mystérieux. Dressé devant mes pas lents et paresseux. Cette façon d’hiberner qui me protège. En laissant des traces sur la plaine de neige. Comme des petits cailloux pour un jour revenir. En arrière dans cette tentation de se souvenir. D’un temps embaumé que l’on ne pourra retrouver. Mes rêves sont les mensonges que j’aime fabriquer. Pour ne pas éroder ce fil avec le passé.
J’ai dans les yeux des images d’hier. Elles m’habitent, me hantent, résistent. Fières elles refusent de se laisser aller, de mourir. Refusant la nouveauté de ces journées. Vécues pour oublier et expurger. Ensevelir ce qui ne sera plus jamais. Une progression immaculée sur la plaine de neige. J’abrège ce temps en me grisant du froid et du vent. Fouettant le visage et les sens en flagellant. Ma mémoire qui hurle parfois de désespoir. En projetant ses fantômes crépusculaires dans le noir.
J’ai dans les yeux les images d’hier. Tous ces pas lents si souvent s’en allant. Sur la plaine de neige vers des cimetières. Transfuges d’un passé ou d’un présent. Liens entre ce qui fut et ce qui est. Dans l’immobilité et la volatilité de tant de sentiments. Une rébellion, une soumission, de la frustration. Et cet espoir qu’au bout brilleront des soleils. Chauds à nul autre sans pareil. Comme une promesse dans l’allégresse. D’abandonner ces regrets au fond d’ornières. Avec dans les yeux embués les images d’hier.
Lire la suiteSilence
J’ai la nostalgie de ce temps insouciant où il n’y avait que le silence en écho à ma souffrance. Ces longues plaines plates accablées de chaleur sous un voile de pâleur. Qui atténuait à l’infini le chahut de mes doutes et de leurs outrances. Il y avait parfois un peu de vent apportant quelques embruns et leurs humeurs. Tout n’était que paresse et illusion dans un cocon d’allégresse et de compromission. J’aimais cette sensation d’un équilibre précaire entre le futile et l’impossible. Fabricant cet instant particulier d’être le somnambule d’un rêve imprévisible.
Il n’avait de frontière que le réveil de mes sommeils tardifs. Quand depuis longtemps le coq s’était recroquevillé dans une position de prostration. Après une complainte matinale portant ses nerfs à vif. Face à la solitude et au désintérêt de sa partition. Je ne l’avais pas entendu pris par les chimères de caprices féériques. Ce rêve intense et castrateur agitant le ressac de mes larmes invisibles. Dans la tiédeur d’une nuit aux accents dramatiques. Lorsque les sentiments et les fureurs sont intraduisibles. Et que l’avenir s’ouvrira sur un matin de frugalité admissible.
Alors, je caressais le souvenir du rêve et de ses rives gelées. Là, où s’endorment les vagues scélérates et leurs murs blancs. Balayant l’horizon en dansant sur les océans et parmi leurs courants. Je me rappelais ces silences violents et envahissants. Il y avait ces oiseaux et leurs becs tranchant comme des ciseaux. Le rideau ouvrant sur d’autres mondes où s’endort ma mélancolie. Dans l’apesanteur d’un néant protecteur. J’allais dans ce magma en particule immobile. Les sens en éveil pour me rappeler. La tiédeur de ce bienêtre indicible. A jamais inscrit dans mes gènes et mon ADN.
Cet ailleurs devint une part intérieure. De mes nuits profondes où les soleils noirs sont les veilleurs. D’un temps calme et précis quand les abeilles butinent le nectar de fleurs. Dont chaque matin je goûte le miel en marchant sur le chemin. D’escapades frugales parmi des sarments de vignes. Sinuant entre des gouttes de pluie avant le soleil de l’après-midi. Recherchant dans les odeurs de la terre ce parfum qui souligne. Le relais invisible entre la nuit et ma mélancolie. Toutes deux complices et narcissiques, elles hantent cet infini. Ce temps insouciant où il n’y avait que le silence en écho à ma souffrance.
Lire la suiteLes instants fragiles
J’aime les glaces de nos incertitudes. La gestuelle de ces intenses platitudes. Les corps pendus comme ça par des fils. Se collant au-dessus du vide. Dans une apesanteur stérile. Écoutant les plaintes insubmersibles. De nos passagers du vent. Observant avides nos yeux impassibles. Comme si nous étions des insensibles. Je pense à leurs émotions passagères. Clandestines ou en fragments intemporels. Toutes éparpillées et fières. Esclaves d’une loi qui ensorcelle. Moi fou de toi. Trop et tout à la fois. Plus fort que ces ouragans, balayant les hasards du destin. Fou passionnément avec excès. Ce tsunami recouvrant le chemin. Violemment et sans pitié. Dans la cacophonie de nos apostrophes. Parfois vulgaires et obsessionnelles. Toujours tendres et fusionnelles. Catastrophes sculptant notre humanité. Aux bras, aux jambes démembrés. Allant l’hiver en traînant des pieds. Dans la volonté d’une routine assumée.
En plein vent, en pleine campagne. Nos faiblesses, ces viles compagnes. Veillent en rapaces patientes. Sur nos dérives et nos fientes. Toutes compromises, elles sont soumises. Et font de cette croix une foi. En des jours brillants et meilleurs. Quand s’endormiront leurs rancœurs. Au bord d’un lac ou dans une prairie. Si le néant accepte d’être le ferment. De matins calmes où s’envoleront les colibris. J’aime cette idée comme béquille à nos infirmités. Pour avancer et ne plus stagner. Dans la vase de sombres marais. Je parle à nos absences ravageuses. Ces instances inutiles et impérieuses. Se faufilant parmi le vent et le temps. En fabriquant l’ossuaire de nos corps s’érodant. Je sens venir les instants fragiles. Cette impuissance d’avenirs inutiles. Quand tout sera bien trop tard. Face à ces falaises bloquant le regard.
L’étrange sensation d’une réflexion de nos profondeurs. Là où sont enterrées les inflexions de nos humeurs. Un paradis de fer et de pierres. Où les fleurs naissent noires. Pendant que l’innocence est la valeur cardinale. D’un univers où le soleil se lève le soir. Dramatiquement à côté d’une boîte en carton. Où s’empilent des photos romantiquement. Dans l’oubli d’une lente dépigmentation. Je veux plaider en faveur de cette destruction. Pour savoir si la nostalgie me retiendra par les pieds. Avant de faire l’acte de tout sacrifier. Banalement, tristement ou en aspirant. L’air d’un renouveau quand tout sera beau. Inutile et superficiel. Cherchant dans une ritournelle. La strophe coupable d’éliminer. L’excessif diabolisant le présent.
Lire la suiteTénèbres
Elles sont une part de moi familière. Ne me sont pas étrangères. J’ai des ténèbres une impression particulière. Elles composent ce toit ombragé. Sous lequel je vais au calme m’allonger. J’ai des ténèbres cette sensation téméraire. Qu’elles colorient mes aurores crépusculaires. Ornant ce néant protecteur. Où se coagulent mes terreurs. Moi, enfant des vents de mélancolie. Consumant l’instant en banalisant. Ce qui est pour des crachins de nostalgie. Se fixant aux ailes des moulins à vent.
Mes ténèbres errent aussi loin. Que cet ailleurs qui se morfond chaque matin. En s’accouplant avec de mauvaises idées. Je les ai aimées puis les ai trompées. Avec un ciel blanc et brumeux. Se levant derrière un bois soyeux. Dans la rosée d’un ciel d’été. Fumant le calumet de la paix. Avec mes cauchemars éberlués par tant de témérité. Irrévérencieux, je me suis moqué d’eux. Sans remord jouant avec leur vie, avec leurs torts. Comme si j’étais viril et fort.
Je vois mes ténèbres comme des alliées. A forte variation de tristesse et d’humanité. Je prends les deux sans faire d’envieux. Ecoutant les grelots du vent en son stéréophonique. Un concerto en tremblements majeurs. Sous un chapeau à plus-value esthétique. Me protégeant de toutes ces frayeurs. Mes souffrances, mes complaintes, mes astreintes. Je broie ce noir comme des grains de café. Ma perversité me pousse à m’en délecter. Au bord de l’écœurement presque empoisonné.
Mes ténèbres fécondent les silences. Qui enterrent l’usage de la parole. Ressuscitent ce besoin d’isolement. En offense aux témoignages de morale. Si présents lorsque je suis absent. La nuit me baignant dans des océans de mélancolie. Sur une île déserte où les coquillages ont fui la plage. Et les nénuphars se prennent pour des martin-pêcheurs. Cousins de diables à plumes farceurs. Flottant dépenaillés sur des liquides alcalins.
Je sais les ténèbres profondes et obscures. Des lieux où sur le lierre poussent des mures. Devant l’éclat de chandelles éprouvées. Face à une assistance de chauve-souris, transies. Tétanisées à l’idée de voir le jour se lever. Hurlant dans le chaos envahissant. Une haine à peine maîtrisée. Ce requiem potelé de notes évaporées. Un raffinement sans précédent. Avec des spectres s’habillant en XXL. Et des sorcières osant des manières de demoiselles.
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