Les doigts glissent sur le piano, appuient et s’abîment dans la mort lente d’une note. Somnambule de cet infini dans la mélancolie d’une nuit. Fragile et versatile, une main pianote. Un air lourd et pesant pendant que s’endort la lagune. Dans le ciel s’éveille. Une lune. Sur la mélodie contraignante d’un ennui qui s’enfuit. Dans le néant d’un jour s’endormant. Entre ses doigts un soleil se repliant. Du lointain revient l’écho du refrain. De la pénombre; de son cortège d’ombres. Tentaculaires sur la ville s’abattant d’un mouvement circulaire. Je pense à toi. A ces bouts de rien. Ce peu qui me retient. Pendu au fil invisible du passé. De son étrange loi. Faîte pour ne pas oublier. Je le voudrai mais je ne le puis. Ce combat impossible à gagner. Cette lutte sans merci. Que les notes du piano ne peuvent adoucir. Juste retenir. L’emprise irréversible de cette dérive dans les canaux de Venise. Flottant, surnageant, d’une âme noire et grise. La culpabilité pour fatalité. Cet ennui infini. En attente de rien. Dans une espérance sans fin. La nuit m’habille de ses rêves impossibles. Le vêtement est trop lourd. Le présent invisible. Pour invoquer l’amour. Comme lien ultime avec ce que je ne peux oublier. Je le pense, je le croyais. Les notes du piano m’incitaient. A l’accepter. Mais il y a l’insolence du vent. Le poids impossible de ce carcan. Pesant sur mon corps. Si fort. Que je ne puis respirer. Sans t’appeler au secours. Tu es là tout le temps, toujours. Je ne peux me détacher. J’erre dans cette ville encerclée par les eaux. Pour exorciser ce passé où nous nous sommes promenés. En quête d’un éternel sursaut. Qui ne vient pas. Je ne le peux pas. Je ne le veux pas. Sans toi. Même dans les lambeaux de mes souvenirs. Il reste une place pour toi. Une blanche ou une noire au bout de la partition. Une pause et respire. L’infini de la mélodie. L’étrange sensation. Qui se glisse entre mes doigts. D’une main que je retiens. La tienne.