J’ai la nostalgie de ce temps insouciant où il n’y avait que le silence en écho à ma souffrance. Ces longues plaines plates accablées de chaleur sous un voile de pâleur. Qui atténuait à l’infini le chahut de mes doutes et de leurs outrances. Il y avait parfois un peu de vent apportant quelques embruns et leurs humeurs. Tout n’était que paresse et illusion dans un cocon d’allégresse et de compromission. J’aimais cette sensation d’un équilibre précaire entre le futile et l’impossible. Fabricant cet instant particulier d’être le somnambule d’un rêve imprévisible.
Il n’avait de frontière que le réveil de mes sommeils tardifs. Quand depuis longtemps le coq s’était recroquevillé dans une position de prostration. Après une complainte matinale portant ses nerfs à vif. Face à la solitude et au désintérêt de sa partition. Je ne l’avais pas entendu pris par les chimères de caprices féériques. Ce rêve intense et castrateur agitant le ressac de mes larmes invisibles. Dans la tiédeur d’une nuit aux accents dramatiques. Lorsque les sentiments et les fureurs sont intraduisibles. Et que l’avenir s’ouvrira sur un matin de frugalité admissible.
Alors, je caressais le souvenir du rêve et de ses rives gelées. Là, où s’endorment les vagues scélérates et leurs murs blancs. Balayant l’horizon en dansant sur les océans et parmi leurs courants. Je me rappelais ces silences violents et envahissants. Il y avait ces oiseaux et leurs becs tranchant comme des ciseaux. Le rideau ouvrant sur d’autres mondes où s’endort ma mélancolie. Dans l’apesanteur d’un néant protecteur. J’allais dans ce magma en particule immobile. Les sens en éveil pour me rappeler. La tiédeur de ce bienêtre indicible. A jamais inscrit dans mes gènes et mon ADN.
Cet ailleurs devint une part intérieure. De mes nuits profondes où les soleils noirs sont les veilleurs. D’un temps calme et précis quand les abeilles butinent le nectar de fleurs. Dont chaque matin je goûte le miel en marchant sur le chemin. D’escapades frugales parmi des sarments de vignes. Sinuant entre des gouttes de pluie avant le soleil de l’après-midi. Recherchant dans les odeurs de la terre ce parfum qui souligne. Le relais invisible entre la nuit et ma mélancolie. Toutes deux complices et narcissiques, elles hantent cet infini. Ce temps insouciant où il n’y avait que le silence en écho à ma souffrance.