Je ne sais par où commencer ? Torturer leurs souvenirs en extraire l’essence. Ce passé où l’âme se balance dans leurs existences. J’aimerais t’emmener, te raconter. Sortir du carton de leurs musées. Les jouets avec lesquels ils s’amusaient. Dans les rues face aux palais. Dans les ruelles, leurs cachettes éternelles. Entre des chevaux, des gens bien habillés. La douceur de leur enfance. La pertinence d’une insouciance. Le temps s’écoulant en les effleurant. Doucement. S’amusant en les caressant. Les étés à battre le pavé. A crier, se chamailler. Dans l’indolence de leur adolescence. Jusqu’à cette guerre, son enfer, ses misères. Vivant comme des vers de terre. Venue tout briser, tout effacer. Laissant crever le passé. Faisant pousser des arbres échevelés. Sur des balcons abandonnés. Squelettes articulés au vent mauvais. Venu s’abattre sur la cité. Spectres faméliques de palais gothiques. Splendeur d’une grandeur. L’expression d’une douleur. Portée par la mélancolie d’une nostalgie. A la vie, à la mort, sur les murs d’une profonde désolation s’écoule le sort de leur frustration. Sournoise, narquoise. Rédigeant sur le paravent d’un autre temps. La lettre de leur mémoire effacée. Ces vestiges, leurs vertiges. La tête vide dans les rues de Görlitz le vent, la pluie, une mélancolie. La pénombre se glissant entre les failles des murailles. Le regard se heurtant sur les pierres du brouillard. Écoutant chanter sous le voile à peine clos. Les voix du passé, leurs mots. Je ne sais par où commencer ? Torturer leurs souvenirs en extraire l’essence. Imaginant cette puissance, son opulence. Alors que le soleil s’endort, coule le triste sort. D’une ville fantôme vide de ses mômes. Orpheline d’un passé, la faisant vibrer. Le temps où crevaient les arbres sur les balcons des palais. Où battait l’indolence de leur adolescence. Jusqu’à cette guerre, son enfer, ses misères. Maquillant les rues de Görlitz d’une tristesse infinie. Dans le souvenir de ses enfants partis. J’aimerais t’emmener, te raconter. Là-bas, la ville mélancolie.