Au bout du chemin, à la fin du brouillard, il y a cette vieille église. Nous la rejoindrons à la nuit tombée. Atteindre ses portes pour nous arrêter, nous reposer. Tant d’autres marcheurs l’ont fait avant nous. Sens leurs âmes qui nous accompagnent jouant à cache-cache dans la brume nous recouvrant. Les branches des arbres gouttent de pluie. Les fleurs violettes portent des rivières de diamants. Les pierres noires volcaniques luisent sur le sol herbu. Dans la vaste étendue silencieuse, les oiseaux ne planent plus. Parfois, le son de tes pas me rappelle ta présence derrière moi. C’est le dernier lien qui me lie à toi. Nous avançons comme deux fantômes sur les monts abandonnées. Notre marche prendra fin à la porte de la vieille église, là-bas, si loin qu’elle semble inaccessible. Le silence est lourd, pesant. Perdus, nos yeux nous trahissent sans repères. Parfois, un arbre sort du brouillard. Géant aux bras tentaculaires, maigre au corps décharné, il nous regarde. Ferme les yeux, entend le chant des anges qui volent au-dessus de nous. Écoute, oui écoute. Ils s’adressent à nous. Marcher, marcher à en crever, les rejoindre, courir sur les monts, planer sur les vallées. Ne plus souffrir, s’abîmer pour rejoindre des chimères. Lâcher, s’abandonner, se coucher sur le chemin. Personne ne nous verra dans le brouillard qui nous ensevelit. Jouer avec les anges dans des courses sans fin. Il suffit de tendre la main. Oui, tu le peux. Je le veux. Mais le bruit de tes pas me revient comme un écho. Tu trébuches, chutes, je te te relève. Il faut continuer, marcher, avancer. Le chant des anges s’est évanoui. Nous sommes seuls de nouveau. Le brouillard, le froid, la solitude. Le poids du sac sur le dos. Le souffle court. Tant d’autres l’ont vécu avant nous. Penser, se donner un but pour résister, ne pas se coucher, tendre la main aux anges. Au bout du chemin, à la fin du brouillard, apparaît cette vieille église. Main dans la main, nous la rejoignons. Entrer dedans, se reposer et s’aimer à jamais sous la protection des anges.