En ce temps-là on ne branchait pas son cœur sur un ordinateur. On était sans clavier pour se parler sans câbles se liant à toute heure. Les yeux dans les yeux sans écran fondamentalement anormaux. On se rencontrait pour s’aimer en se trouvant les plus beaux. Personne à commenter, twittter, nous traiter de salops. Pas de virus, ni de disque dur. Nous étions deux feux follets amoureux, immatures. Sans armure pour éviter de se faire arnaquer. Par des mails piégés, sans cv étalé pour se faire renifler. Avant de pianoter sur le clavier une musique psalmodiant une infortune. Les doigts dégoulinant d’amertume. Trouble obsessionnel d’une solitude. Profonde. Les yeux dans les yeux avec tant de platitude . Toi et moi au bout de nos jeux glissant sur l’onde. D’un passé sans pc où s’ennuyer pour s’apprivoiser était une formalité. Traîner pour s’occuper une facilité. Sans copier-coller. Pour activer l’inquiétude d’un temps perdu. Décapsulant un cerveau mis à nu. Dans le notre il n’y avait que des marionnettes. Équilibristes de nos soirs de fêtes. Sans streaming, viols de propriété intellectuelle. Nous étions fusionnels, intemporels. On vivait sans Facebook sans se sentir cons, tout tournait rond. La terre était ronde, la nuit montait la lune. Dans les vergers on mangeait des prunes. Sans être gelées au goût lyophilisé. On ne pensait pas à activer windows son pare-feu ses autres choses. Les chats traquaient les souris personne ne leur donnait de tapis. Pour se promener insolemment sur des écrans. En ce temps-là on ne branchait pas son cœur sur un ordinateur. On ne commettait pas d’erreur. Fatale. Il n’y avait que l’attraction totale. Du temps qui dure. Nos poses de sculptures. Se regardant les yeux dans les yeux. Dans un silence sans âge. Sans être otages. D’un écran nous absorbant. Le corps noué, envouté. Le poison s’écoulant lentement. Dans la langueur de serments. On y croyait sans passer par Google son détecteur de vie privée. Tu me copies. Je te copie. Clone d’une pensée périmée, chaque jour démodée avant même d’être éventée. La fièvre convulsive d’être moderne en méprisant le passé. Les yeux dans les yeux. La rengaine du sang bouillonnant dans nos veines. On n’a rien inventé. Les autres ont tout oublié. Le mot de passe. Tu trépasses et l’on t’efface.