Combien de fois t’ai-je dit de ne pas monter en haut de l’escalier ? Si souvent que je ne m’en souviens plus. Mais, il a fallu que tu y ailles. C’était plus fort que toi. L’interdiction était un appel à la désobéissance. Tu devais monter les marches de ce dernier étage qui t’étais refusé. Tu disais toujours que tu ne le ferais pas. Je ne te croyais pas. Je connais ta nature, ton désir de forcer les portes closes pour exister dans le refus d’obéir. Mais obéir, c’était te protéger, t’éviter de souffrir car je sais que là-haut au dernier étage ce que tu y trouveras n’est pas pour toi. Tu es si fragile, si vulnérable. Mais la perversité de monter les marches une à une a été la plus forte. Tu as mis ta main sur la rampe de bois, posé ton pied sur la première marche. Il ne s’est rien passé. Il ne pouvait rien se produire si ce n’est que je te surprenne. Mais, cela était impossible tu as attendu mon départ. Alors, libre, tu as gravi chaque marche une à une comme une libération. Dans le grand coude de l’escalier, tu as vu la porte légèrement ouverte, la lumière venant du dehors. Je savais que tu viendrais. Autant te recevoir avec une porte ouverte plutôt que close car tu serais revenue encore et encore au point que cela devienne une obsession. Aussi, tu as franchi le coude de l’escalier. Tu es arrivée en haut. Tu as poussé la porte. Il y avait derrière le vide de pièces inhabitées. Le néant. Tu es restée silencieuse laissant la marque de tes pas sur la poussière de cet appartement où je ne vais plus. J’avais confiance en toi. Je te croyais capable de résister au piège d’une chimère de conte pour enfants. Tu croyais trouver Barbe Bleue, les cadavres de ses femmes. Tu avais peur de mon retour alors que tu franchissais la porte de mon interdit. Pauvre folle. Ta peur était le carburant de ta désobéissance. Tu voulais avoir des frissons. Tu n’as trouvé que de la déception à ton attente et une question pourquoi m’avoir interdit de monter ? Cette interrogation te hante maintenant. Plus que de monter là-haut vers l’étage interdit. Jamais tu ne sauras qu’il s’agissait d’un piège que je t’ai tendu. Te souviens-tu de cette façon furtive avec laquelle tu as répondu à ma question, « as-tu passé un bon après-midi ? » Non, tu ne te rappelles plus de ton mensonge. Moi, si, je me souviens de la marque de tes pas sur le plancher du dernier étage comme l’unique preuve que je ne pourrai jamais te faire confiance. C’était le sens de mon interdit et toute la valeur de tes promesses…