Timidement, la nuit perce entre les fractures d’un jour qui défaille, s’avançant sur la lente agonie d’un ciel endormi. Recouvrant les écailles vieillies d’une toile salie de l’oubli, noyée parmi les teintes bleuies d’un passé engourdi. Ondule doucement l’éclat fragile d’une bougie à la clarté hésitante et tremblante. Balayée par le souffle froid de l’hiver s’engageant sous la porte précipitamment. Danse la flamme claire sur les ombres du tableau, réveillant ses fantômes et ses maux. Marche le pas sourd de la nuit apportant le vent et la tempête. La peur, l’érosion de tous sentiments, cette impression glacée de ne plus rien espérer. S’endort toute forme de réaction sous la somnolence d’une pensée chloroformée. Par le balancement régulier de la flamme venue hypnotiser. La haine, la rage, la passion, l’envie d’aimer, le besoin d’être aimé. Ne laissant que la douce torpeur de s’endormir peu à peu. Les bras, les jambes se relâchant, les yeux se refermant. Abandonné à la porte du rêve en cognant sur la porte au bois dormant. Pour qu’elle s’ouvre, qu’elle libère, qu’elle arrache tous liens avec la journée. Il y a la douce musique du silence, lente, envahissante, entêtante, apaisante. Il y a ce bonheur diffus de la sentir se lover dans le corps d’une chaleur irradiante. Violemment, la nuit est là écartelant furieusement les fractures du jour, morcelant les lames de clarté, broyant le noir. En posant le voile sombre de son désespoir. Dans lequel tu te pares avant de t’en aller traîner dans les rues vides. Glissant le long des pierres et des murs en te frottant à leurs rides. Écaillant sur leurs arrêtes vives ce cœur à vif prêt à t’abandonner. Je l’ai vu à tes yeux malheureux. A ton regard affreux. J’aurais voulu te dire tant de choses pour t’aider à surnager. Mais, je n’ai pas su, par peur, par timidité, peut-être les deux ? Le noir est entré en toi soufflant la clarté de la bougie. Laissant s’installer la nuit. Il y a ce froid glacé qui coule sur tes épaules, cristallise ton âme, enveloppe ton corps, fragilise les battements de ton cœur. Il y a cette attente du jour pour que les écailles vieillies de ta toile salie par l’oubli retrouvent leurs couleurs. Demain, le soleil se lèvera, apportant sa chaleur, son éclat chaud et langoureux. Je te le promets, plus c’est impossible, je ne suis pas prophète. Je reviendrai pour te regarder avec des yeux amoureux. Je te l’assure et l’on se dira que c’est un moment merveilleux, un jour de fête sans froid, ni tempête.