J’ai fait de tes insomnies. Les battements de ma vie. Chaque soir, chaque nuit. Le sommeil qui s’enfuit. Les yeux ouverts vers l’infini. Le temps sans fin. Derrière les murs de notre château. Le froid de nos mains. Parcourant les touches d’un piano. Nos notes sont silencieuses, muettes. Sans partition à jouer. Notre mort est éveillée. Nos ombres obsolètes. Nous ne sommes rien. Moins que rien. Transparents. Il nous reste cet amour. Mordant. Nos regards émerveillés. Enfantins. Ce besoin. De s’effleurer. De se toucher. Ta robe de dentelles. Blanche éternelle. Tes cheveux blancs. Envoutants. Nos pas traînants. Depuis des siècles, des années. Je ne parviens plus à me rappeler. De tout, de rien. Je me souviens. On a refusé de se quitter. Prenant le néant. Pour paradis. J’ai fait de tes insomnies. Les battements de ma vie. Chaque soir, chaque nuit. Assis à se regarder. A s’observer. Je n’ai rien à te refuser. Tu n’as rien à m’opposer. On a tout balayé. Épousant le néant. Devenant transparents. Notre futur est notre passé. Notre passé est oublié. L’oubli est la signature. De ce temps qui dure. Le tien, le mien. Notre désir qui le retient. Parmi les perles de cristal. De ce jeu infernal. De savoir qu’un jour tout s’arrêtera. Le hasard je n’y crois pas. Je regarde ta poitrine se soulever. J’ai peur de la voir s’arrêter. Toi aussi. Tu vis avec cette folie. Seule perdue dans le néant. Les cris, les pleurs de cet enfermement. Oppressant. Fantômes ou pantins je ne sais plus. Au bout de quel fil nous sommes pendus ? D’un souffle glacé, je repousse ce temps capable de nous effacer. De rester seul abandonné. J’ai cette peur à partager avec toi. Elle nous guette, plane au-dessus de notre toit. Faisant de nos faiblesses. L’outil qui nous agresse. Je veille. Je surveille. J’ai fait de tes insomnies. Les battements de ma vie.