La longueur de la nuit respire la langueur de notre essence. Sur les murs s’émiettent nos ombres dans tous les sens. Éprouvées d’errer sur la terre et dans les airs. Ne trouvant plus d’image dans les reflets du passé. Troublé, doucement ourlé. Sur le trottoir traine le pas lent de passants. Je t’entends me susurrer tendrement. Sommes-nous encore vivants ? Écoute le vent, regarde devant. Les lumières de la nuit. S’étendant; toi et moi marchant vers l’infini. Sans but, ni envie. Juste envahis. Par la lune, le froid nous recouvrant. Rappelle-toi les rayons du soleil. Leur chaleur, le vol des abeilles. Cette douceur cuisante, ensorcelante. Il reste des mots pour entretenir le souvenir. Sans le ressentir. C’était bien. Mieux que nos ombres blotties et transies dans la pénombre. Tu te souviens ? Nos réveils, la brume dans les champs, la langueur de chaque matin. Baigné de douceur, de torpeur. S’étirant jusqu’à plus d’heure. C’était bien. Il y a longtemps. Je te mens. Je ne me souviens plus de rien. Ne reste que nos ombres s’émiettant sur les murs. Toutes ces choses dont je ne suis plus sûr. Le vent, la pluie, la couleur de tes yeux, l’odeur de tes cheveux. C’est trop loin. Sommes-nous encore vivants ? Je peux te parler de la Belle au bois dormant. Faire semblant tendrement, amoureusement. Gagner du temps. Sur la nuit prochaine, les suivantes, avant que ne revienne. Sur le trottoir le pas lent des passants. Nos ombres s’érodant en répétant le chemin lassant. De ne plus savoir si l’on peut croire. En nous, en ces possibles matins chassant nos ciels noirs. Sommes-nous encore vivants ? Je ne le pense. Victimes d’une terrible sentence. Où la longueur de la nuit respire la langueur de notre essence.