Le soleil est entré imperceptiblement. Comme la marée remonte les plaines de sable gris jusqu’aux dunes blanches de lumière. Ombre de ce matin s’infiltrant sur l’étendue sombre de la nuit, il s’est introduit du haut de l’abbatiale par le vitrail le plus élevé dégoulinant sur les piliers, inondant le cœur, les travées. Il s’est installé repoussant dans les coins obscures les dernières larmes de nuit. Tu es entrée. En plein soleil. Cette clarté t’a gênée. Tes yeux ont cligné. Tu t’es écartée. Petite silhouette timide. Le long d’un grand mur blanc tu t’es installée. Agenouillée, prostrée, à pleurer. A prier ? Tu as entre tes mains ces quelques lignes où il dit te quitter. Tu n’y crois pas. Tu ne peux le croire. Tu te raccroches à un espoir. Celui de te tromper, d’être dans un mauvais rêve, tu vas te réveiller. Oui, te réveiller. Ouvrir les yeux, être en pleine lumière, dans cette abbatiale où vous veniez si souvent vous promener. Regarder des enfants courir, se poursuivre entre les bancs et les chaises, penser, espérer qu’un jour les vôtres en feront tout autant. Il y a eu le temps des certitudes, celui des assurances puis ce mot, ces quelques lignes qui viennent tout briser. Il faudra te relever. Chasser la nuit qui s’est introduite dans ta vie, laisser s’étendre le temps des ombres avant que ne naisse le jour d’un autre lendemain. Tu le sais. Tu as peur de ne pas pouvoir attendre. Cela t’effraie. Tendre la main à la lumière, voler une parcelle de jour, quitter ce mur qui soutient ta peine, lâcher prise, se lancer, oublier, se forcer à le faire. La force est en toi. Tu es venue la chercher sur la cendre de tes souvenirs.