Un jardin, un bassin, un petit matin. Un jardin, un bassin, un soir sans lendemain. Ta chaise vide. Je me souviens. Le trait de ton crayon sur la photo de nos souvenirs, ce soleil exagéré, ses éclats démesurés. Maquillé, transformé, ton dessin l’a bafoué. Nous avec. Tu le voulais, il le fallait. Transfiguré, ce soleil a carbonisé, effacé, éradiqué nos vérités. Deux chaises vides. Les cendres de ce que nous étions. Deux êtres dans un jardin au petit matin ou dans l’abandon d’un soir sans lendemain. Cela n’avait pas d’importance, nous nous aimions. Je le croyais. Toi, assise devant le bassin. Moi en retrait. J’ai toujours aimé notre jardin. Reviens. Efface de la photo, ces nuages, ce soleil, donne moi une nuit étoilée, fais moi entendre le son de la mer toute proche. J’ai besoin de rêver. Je te hais. Oui, je te hais. Pour le mal que tu nous a fait. Fallait-il que tu te prennes pour dieu ? Nous étions si bien dans notre jardin. Mais le démon de la tentation sommeillait en toi . Il a fallu que tu joues du crayon sur la toile des cieux. Nos souvenirs, nos plaisirs, tu as tout modifié. Gratuitement, stupidement. Oui, je te hais. Vomir pour tout sortir, pour tout te dire. Tu ne m’écouteras pas. Le dos tourné. Ainsi, tu étais. Ton visage, jamais je ne le voyais. Mais ta chaise était occupée. Accompagné, je me sentais sécurisé. Tout te dire, c’est t’avouer que durant ces longues années tu m’as épargné de la solitude. Cela me suffisait. Te le dire aurait eu pour effet de t’offenser. L’as-tu compris en quittant notre jardin, en détruisant la douceur de ce petit matin pour m’offrir l’assurance d’un soir sans lendemain ? Je rentre dans la nuit. Je le sens. Je m’en défends. Pourtant, c’est ainsi, il n’y a plus de place au rêve, à ce jardin et son bassin. Je ne cours pas après toi. Va au diable, tu l’as bien mérité. Le soleil va définitivement brûler les restes de notre vie largement consumée. Et alors ? Il ne touchera pas au souvenir de ce jardin merveilleux où les matins étaient des jours faits de lendemains. Notre bien le plus précieux. Eve souviens-toi …