A huit heures

A huit heures, on s’est dit au revoir. Sans chercher à se revoir. On a rangé le mobilier. Laissant les rideaux écartés. Regardant le soleil entrer. Comme si de rien n’était. Le parquet ciré. La poussière enlevée. On s’est retirés. Avec l’idée. De ne jamais revenir. Le dos tourné pour en finir. A huit heures, on s’est séparés. Sans se retourner. Nos pas ont crissé sur le gravier. Il pleuvait. Le visage détrempé. Les cheveux mouillés. Tu t’en moquais. Moi aussi. Sans rage, sans envie. De s’écharper encore et encore. Jusqu’à la mort. C’était la fin. Notre fin. A huit heures, on s’est quittés me projetant vers l’infini. Loin de ton ennui. De tous tes cris. Ce passé entravé. Notre château glacé. Ses portraits figés. Nous au milieu. Ne croyant plus rien. Ni à dieu. Nos mains. Pour s’écharper, se griffer. Des plaies sur nos visages défaits. Je te hais. Tu me hais. A huit heures, on a tout arrêté. Laissant le silence s’imposer. Dans les couloirs, ton boudoir. Au cœur du château de notre désespoir. Là, où tu voulais régner. En reine. Du poison dans mes veines. Le battement de mon cœur lent. L’angoisse montant doucement. Te détestant. Toi, tout autant. A huit heures, on a brisé la charme. Nous emprisonnant. Sans larme. La rage en-dedans. Sans enfant nous écartelant. Juste le vomi. De ce ressenti. Notre ennui. Je m’enfuis. Tu me fuis. A huit heures, on a savouré ce bonheur. De s’oublier. Il le fallait. Rien à regretter. Tout à jeter. L’erreur du passé. De s’être rencontrés. Attirés. D’avoir fait semblant de s’aimer. Tu m’as copié. Je te l’ai reproché. On s’est déchirés. Émiettés. Rapprochés. Pour mieux se gifler. A huit heures, on n’a pas commis l’erreur de se réconcilier. Comme par le passé. Pour se mentir ou se punir ? On s’est séparés après tant d’années. A penser le faire. Sans parvenir à le faire. Aimant notre enfer. Ce que nous avons sur terre. Se délectant de l’appauvrissement de nos sentiments, leurs misères. Je te hais. Tu me hais. Le trait d’union. De notre union. Sans contrefaçon. A l’unisson. De l’horloge du temps. Que je pourfends. Irrémédiablement. A huit heures, tes talons se retournant. Ton dos masquant. Le visage de tes yeux s’embuant. Je le sais. Combien de fois avons-nous essayé de nous séparer ? Sans penser mourir. Sans aboutir. Demain, on recommencera. Jusqu’ au jour où l’on y parviendra. A huit heures ou plus tard dans le leurre de trouver le bonheur ailleurs. Tu es revenue. Je t’ai attendue. Un large sourire. On n’est pas prêts d’en finir. A neuf heures, on est heureux de se revoir. Avec l’espoir de se revoir. On a déplacé le mobilier. Fermant les rideaux écartés. Empêchant le soleil d’entrer. Comme si de rien n’était.
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Les fantômes d’un autre temps

Il y a le silence pesant. Nos pas lents. L’insolence indolente. Les lents mouvements. Du soleil nous caressant. La langueur de nos mouvements. Marchant en rangs. Vers la lumière nous enveloppant. Les mains sur la pierre effleurant. Adorant le froid envoutant. Nous souvenant. Du passé, nos chants. S’envolant dans la voute du monument. Hier, il y a si longtemps. Prosternés, habillés de blanc. Nos voix emportant. Notre recueillement. Nos mains jointes en priant. Nos vœux implorant. Un paradis dans le firmament. Nos âmes s’envolant. En espérant. En croyant. Au meilleur. En un être supérieur. Nous protégeant. Nous rassurant. En nous endormant. En mourant. Nous emportant. Il y a le silence pesant. Nos pas lents. L’insolence indolente. Les lents mouvements. Du soleil nous caressant. La langueur de nos mouvements. Marchant en rangs. Fantômes habillés de blanc. Dans la cathédrale s’écroulant. La pluie ruisselant. Sur les pierres s’érodant. Sans toit, nous en dedans. Errant en attendant. Que passe le temps. Humbles pénitents. Humiliés avec le poids infamant. D’être absents. Dans la peur. Avec la terreur. Que s’étire le moment. De notre oubli irrémédiablement. Reste imperceptiblement. Cet éclat troublant. Sur la pierre se glissant. De nos reflets s’allongeant. Nos pas lents. L’insolence indolente. Les lents mouvements. Du soleil nous caressant. La langueur de nos mouvements. Marchant en rangs. Pénitents habillés de blanc. Il y a si longtemps. Emprisonnés dans le temps. En respirant le vent. Se saoulant du temps. Attendant l’instant. L’heure. Le bonheur. De fuir, s’en allant. Sans regret abandonnant. La cathédrale s’écroulant. Nous les fantômes d’un autre temps.
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