Exposé sans vie

Il pourrait y avoir de la musique techno, des lasers, un bruit d’enfer. Le vent qui se lève, la pluie qui tombe sur la terre. Un grand chamboulement, de forts tremblements. Un trouble dans l’équilibre des mouvements. Assis sur le trône, tenant un rapace, un chien figé, obéissant. Le ciel gris s’assombrissant. Les spots de lumière maquillant tes manières. D’un autre temps. Le regard posé à hauteur de tes pieds. Pour les observer, les embrasser ? Faut-il se rabaisser pour que tu daignes nous regarder ? La musique sur ton corps s’écoulant en vagues. Profanant ton image d’un coup de dague. Sans cœur brisé. Ni larmes arrachées. Juste les yeux dirigés vers le lointain. Où s’étirent tes heures sans fin. Puis-je te toucher ta main ? Savoir si tu es froid. En ai-je le droit ? Une tentation, une hérésie, une folie. Dans cette nuit, où il pourrait y avoir de la musique techno, des lasers, un bruit d’enfer. De sales manières. Des corps dansant à tes pieds. Toi, refusant de les regarder. Un soir endiablé imaginé pour se défoncer. Une soirée de festival dans ton château sur ses pavés. Le chien ne pouvant aboyer. Le rapace ne parvenant pas à s’envoler. Toi, dans une pose contractée. J’ai envie de t’arracher à ton passé. Ne vivant que dans les pages d’histoire. Qu’on ne lit que le soir. Laisse entrer le jour de la nuit. Regarde cet hier qui s’enfuit. Attrapant le fil d’une nouvelle vie. Vêtu de nouveaux habits. J’ai envie de croire que si tu pouvais le faire. Tu oublierais ton regard fier. Sautant sur les pavés, lançant au ciel le rapace d’un geste fugace. Pour retrouver ces danseurs qui t’agacent. Effaçant le charme que tu maudits. D’une exposition sans vie.
Lire la suiteDeux heures moins le quart avant la naissance du monde

Deux heures moins le quart avant la naissance du monde une statue tenait entre ses mains une tête. Depuis si longtemps que le temps l’avait oubliée. Posée dans un recoin alors que tous se préparaient à la fête. Personne ne se rappelait qui l’avait sculptée ou même imaginée. Elle restait là abandonnée à regarder le monde se déplier en sortant de sa coquille contractée. Tenant entre ses mains le poids d’une tête ronde comme le monde. Elle se demandait que faire de cet objet encombrant ? Pourquoi lui avait-ton confié cette charge ? Le monde s’arrondissait pendant que le jour fabriquait la nuit s’endormant.Le soleil montait dans le ciel sans partage. Éclairant la statue qui ne voulait pas être vue. Timide sans caprice, frêle sans artifice. Elle habitait dans ce recoin avant même qu’il y ait une fin. Ne demandant qu’à rester cachée. Du vent, des tempêtes, passant sur son corps sans tête. Abri aux alouettes et aux chouettes chantant à tue tête. Que la statue tenait une tête ronde comme ce monde. A naître dans une voie lactée en train de se féconder. Le temps eut l’idée de la lui voler, de s’en inspirer. Pour donner une âme à son projet. Il trouva dans la tête les pensées, le bien et le mauvais. Les posa sur son monde aux courbures rondes. Elles glissèrent, s’abandonnèrent sur les montagnes, dans les déserts. Elles imaginèrent la paix, inventèrent les guerres, façonnèrent une vie éphémère. La statue observait sans bouger tenant cette tête que le temps lui avait rendue. Plein de reproches. Comme un objet maudit. Laid et moche. Mère de toutes les tragédies. La statue fut condamnée à la garder. Elle n’a rien dit. Croyant en la fin de cet univers aux courbures rondes. Quand il arrivera. Elle s’enfuira. Deux heures moins le quart avant la naissance du monde…
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