Il y a longtemps que je ne t’ai vue. Je passe chaque matin sous ta fenêtre au persiennes fermées. J’aimerai te voir accoudée au balcon de fer. Comme avant. Mais tu n’es pas là, tu as disparu. Quand ? Je ne sais plus. Je ne me souviens pas de la dernière fois où je t’ai vue. Les souvenirs se mélangent. Je confonds les dates, les mois, les années, ta place dans ce fatras du passé qui s’encombre, m’encombre. Il n’y a plus que cette fenêtre qui me rattache à ton passé. Elle est désespérément fermée, sombre, triste avec ses sculptures qui la distinguent de tant d’autres. Elle te ressemble un peu. Tu étais différente, particulière, c’est pour cela que je t’ai remarquée. Mais aujourd’hui, je ne trouve plus de vraies raisons à cette fugace passion. Il reste l’habitude de passer devant ta fenêtre chaque matin. La fidélité d’un chien à un maître qui l’a abandonné ? Non, je n’en suis pas là. Pourtant, parfois, je m’en sens si proche. Stupide, cela me ressemble plus. Je le serais encore plus si les persiennes étaient ouvertes un matin en passant devant elles. J’ai pris l’habitude de les voir fermées. Un confort, une aisance à ma timidité. Oui, j’aurais dû t’aborder, te parler avant que tu ne disparaisses. Mais, je n’ai rien fait de cela. Je t’ai regardée de loin avant de baisser la tête en passant proche de toi. C’est ma nature. Elle ne changera pas. Je sais que si un jour tu reviens, que tu t’installes au balcon, je passerais sous ta fenêtre en restant ce simple passant dont tu n’as aucun souvenir.