Imposteur
Les couleurs délavées d’un ciel fait pour pleurer dégoulinent le long de tes pas. Laissant traîner ta pesanteur tentaculaire sur des murs las. De te voir passer, ton ennui suintant, tes mains poisseuses, tes cheveux gras. Ta puanteur véhiculant tes aigreurs. On pourrait te tuer ou t’embaumer, il n’y aurait personne pour te réclamer. Ni bon, ni mauvais, juste lent, mal luné, traînant pour traîner, parlant pour parler. Des mots fades et répétées, faisandées, inappropriés, que personne n’a envie d’écouter. Tes yeux globuleux d’un être peureux, une peau boutonneuse, des ongles sales grattant le temps sur les cordes d’une mauvaise guitare. Tu déambules dans le noir, te raccrochant à des murs qui voudraient fuir de de te voir. Maintenant ou plus tard. Il y a tes essoufflements, tes mauvais relents témoignant que tu existes. Les portes et les fenêtres se fermant, une quarantaine imposée pour fuir ta piste. Où tu te hasardes, seul, te croyant original, personnage fabriqué qui pue pour être vu. Le croit-il ? D’autres parlent d’un imbécile. Solitude, platitude le long du trottoir seul dans le soir. Les couleurs délavées d’un ciel fait pour pleurer dégoulinent le long de tes pas. Il n’y a que toi chaque nuit à être là. Pourquoi ? Ton horizon tourner en rond. Tu n’as d’autre loi. Te voutant un peu plus chaque jour, te ratatinant, laissant ta tête émerger comme un nénuphar dans une mare. Boueuse où il n’y a plus de canards. Partis ailleurs chercher leur bonheur. Il n’y a que toi pour ne pas le voir. Tes sourires mièvres, tes dents cassées, jaunies. Cette haleine de vomi. Qui pourrait t’embrasser, te désirer ? Il faudrait être fou, suicidaire ou jamais lavé. Tu trouves toujours le nord. Pour diriger tes pas avec le même ressort. Vers des expositions de bouts de ficelles tirées de poubelles. Extatiques ou pathétique, tu les déclares belles. Mieux, elles t’ensorcellent. Avec la même ritournelle. Donnant des mots à tes dérives, des poses aux choses que tu oses. Imposteur. Avec un égal bonheur. Se jouant du temps, de ses relents. Derrière lui les couleurs délavées d’un ciel fait pour pleurer dégoulinant le long de ses pas. On a envie d’écrire le texte d’une mauvaise chanson. Où tu serais le héros sans d’autre raison. Pour crier, hurler, se libérer de te voir passer. Tous les jours, chaque année, sans s’arrêter, marchant la tête baissée. Et te dire que le monde est rond. Que tu seras obligé de repasser. Bien que le tien soit carré. Avec des angles obtus où tu restes bloqué. Dans les méandres du temps, sans personne pour te libérer. A une autre époque où poussaient des ailes aux phoques. Il n’y a que toi à l’avoir connue. Tu n’en es jamais revenu.
Lire la suiteEn ce soir pluvieux
Je me souviens de cette plage. Ailleurs sur d’autres rivages. Où les nuages s’étalaient. En ombres déformées. Sur les traces de nos pas. Posées dans un sable las. Recouvert par la marée. Notre présence effacées. Allant paisiblement. Le sommeil ne pouvant nous rattraper. En parlant, en se rapprochant. Malgré la nuit nous rejoignant. Si proches de la fureur de l’océan. Baignés de notre lenteur. Sans avoir peur. Proche de toi. Collée à moi. Les vagues à nos pieds. Sans chercher à les éviter. Le vent nous balayant. Furtivement, violemment. Il n’y avait rien de plus. Que cet absolu. Ce bout d’éternité. Coincé entre nos doigts liés. Que rien ne pourra desserrer. Le soir approchant. Là-bas en s’endormant. Nous l’attendant. Sans savoir. Ni vouloir. Qu’il marque la fin. De notre chemin. Au bord de cette plage. Ailleurs sur d’autres rivages. Le sel collé à tes lèvres. Les embruns et leur fièvre. La mélodie d’un slow. Emportée par les flots. Déchirant le silence. D’un rugissement, d’une insolence. Venue des eaux. Se fracassant comme un tonneau. Sur les rochers acérés. De cette pointe où nous sommes arrêtés. Il y a le vent dans tes cheveux. Tes yeux radieux. Il y a le bruit des vagues. Venues s’éventrer à nos pieds. Fendues d’un coup de dague. Sans larme, ni pitié. Il y a les formes teintées de noir. Mangées par le soir. S’effilochant comme des fantômes. Sur la lande au dessus de ses dômes. Ta main qui serre la mienne. Attendant que le jour revienne. Sans avenir ni passé. Au-delà de toute vérité. Emportant nos vœux vers les cieux. En ce soir pluvieux.
Lire la suiteUne histoire sans fin
Une salle de restaurant pour nous deux. Se regardant dans les yeux. La nuit, les jours suivants. Une salle de restaurant où dure le temps. Sans se presser ni se bousculer. Juste l’instant de vivre le moment de s’effleurer. Les doigts emmêlés. Le regard embué.Face à face accoudés. A écouter. A se raconter. Ce que l’on a été. Avant de se rencontrer. La mélodie d’un piano autorisé. La voix grave d’un chanteur caché. Seul à nous parler. D’histoires gravées sur papier glacé. Là où d’autres se sont rencontrés. Avec une salle de restaurant pour eux. Se regardant dans les yeux. Je ne peux vouloir. Connaître la fin de leurs histoires. Crachant le sang noir d’un mouroir. Pas de çà ce soir. Ni maintenant, ni jamais. Je te le promets. Toi et moi à l’aube d’un matin. De jours prochains coloriés de dessins tracés au fusain. Posant l’esquisse de notre destin. Quitte à balafrer le chemin balisé de nos lendemains. Il restera toujours la force de notre amour. Une salle de restaurant pour nous deux. Nous regardant dans les yeux. Ivres de l’alcool fruité d’un vin liquoreux. Je le veux. Pour toi. Pour moi. Et consolider nos jours des pierres de nos galères. Plus fortes que toutes nos guerres. Là haut dans la citadelle. Balayée par un vent qui nous ensorcelle. J’aime cette ritournelle. Les larmes qui coulent de tes yeux. Signe impertinent d’une faiblesse. J’ai la paresse. D’y voir un présage bienheureux. Mon regard sur l’essence de tes souffrances. En échange je te propose une danse. Dans une salle de restaurant pour nous deux. Se regardant dans les yeux. La nuit, les jours suivants. Une salle de restaurant où dure le temps. Sans se presser ni se bousculer. Juste l’instant de vivre le moment de s’effleurer. Les doigts emmêlés. Le regard embué. Pour une nuit jusqu’à plus tard. Collés sans masque, sans fard. En laissant faire le hasard. J’aime l’idée de pouvoir imaginer. Cette histoire sans fin qui aurait pu ne jamais exister.
Lire la suiteDeux heures moins le quart avant la naissance du monde
Deux heures moins le quart avant la naissance du monde une statue tenait entre ses mains une tête. Depuis si longtemps que le temps l’avait oubliée. Posée dans un recoin alors que tous se préparaient à la fête. Personne ne se rappelait qui l’avait sculptée ou même imaginée. Elle restait là abandonnée à regarder le monde se déplier en sortant de sa coquille contractée. Tenant entre ses mains le poids d’une tête ronde comme le monde. Elle se demandait que faire de cet objet encombrant ? Pourquoi lui avait-ton confié cette charge ? Le monde s’arrondissait pendant que le jour fabriquait la nuit s’endormant.Le soleil montait dans le ciel sans partage. Éclairant la statue qui ne voulait pas être vue. Timide sans caprice, frêle sans artifice. Elle habitait dans ce recoin avant même qu’il y ait une fin. Ne demandant qu’à rester cachée. Du vent, des tempêtes, passant sur son corps sans tête. Abri aux alouettes et aux chouettes chantant à tue tête. Que la statue tenait une tête ronde comme ce monde. A naître dans une voie lactée en train de se féconder. Le temps eut l’idée de la lui voler, de s’en inspirer. Pour donner une âme à son projet. Il trouva dans la tête les pensées, le bien et le mauvais. Les posa sur son monde aux courbures rondes. Elles glissèrent, s’abandonnèrent sur les montagnes, dans les déserts. Elles imaginèrent la paix, inventèrent les guerres, façonnèrent une vie éphémère. La statue observait sans bouger tenant cette tête que le temps lui avait rendue. Plein de reproches. Comme un objet maudit. Laid et moche. Mère de toutes les tragédies. La statue fut condamnée à la garder. Elle n’a rien dit. Croyant en la fin de cet univers aux courbures rondes. Quand il arrivera. Elle s’enfuira. Deux heures moins le quart avant la naissance du monde…
Lire la suiteTe voir sortant du noir
Il y a les voitures qui passent dans un va et vient lancinant et engourdissant. Une nuit qui s’étire lentement en écoutant les chuchotements. D’anges qui veillent là haut sur les poutrelles. Que personne ne voit, si ce n’est toi, sensation qui t’ensorcelle. Depuis si longtemps. Tu sens les vibrations du temps. Ces ondes qui te transpercent, te dépècent. Ombre au corps invisible que les lumières de la nuit caressent. Tu voles et tu planes d’un battement d’aile. Au-dessus du pont que je traverse en allant à ta rencontre. Avec cet espoir de te voir ici bas où là haut dans le ciel. Sans écouter l’heure qui bat au poignet de ma montre. Ni m’apeurer aux tremblements du pont sous le passage des camions. Il y a cette parenthèse dans la nuit que tu viens d’ouvrir, le bruit s’endormant, emportant la frénésie et la folie. De ces journées agitées où je sais jamais te trouver. Coulent les eaux paisibles d’un fleuve calme avant qu’il ne pleuve. Au loin s’amoncellent les nuages d’autres tensions rebelles. Celles qui peuvent te faire fuir. Coups de tonnerre qui me font tressaillir. Arrachant une larme à l’ultime serment. Il y a les voitures qui passent dans un va et vient lancinant et engourdissant. Endiablant une étrange mélodie frappant aux portes de la mélancolie. Les couleurs blanches et froides de la nuit volant à la lune sa présence, ses silences, sa désespérance. Je marche à ta rencontre, je t’attends. Pour un autre rendez-vous sur les arrêtes de nos promesses. Là où a basculé ta vie sous le souffle d’un vent qui ne cesse. De t’emporter, moi voulant te rattraper. Pour une dernière fois partager nos paroles, nos secrets. Souffle cette tempête qui se répète, que rien n’arrête. Qui m’entête. Sur le pont ou ailleurs, un jour, une nuit, à toute heure. Maquillant l’image qui s’érode du fantôme de nos peurs. Celui qui t’a pris par la main, t’emmenant au-delà d’un mur sans fin. Qui continue de s’allonger alors que mes pas pour le contourner sont vains. Je le crains. Reste cet espoir qui me retient. Que la nuit et ses lumières fabriquent à la pointe d’un fusain tragique ou diabolique. De te voir sortant du noir. Habillée d’un voile magique. Sous lequel ne pénètrent ni la vie et la mort, vaincus l’un et l’autre par le sort. Que mes yeux se ferment sur ce rêve alors que je m’endors.
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Quatre minutes zéro deux
Le son d’un piano, des notes tristes et sombres coulant sur la toile d’une mélodie. Dressée pour habiller la maison de tes secrets. Ceux que j’imagine, que tu ne me livreras jamais. Je passe en ombre fade et grise devant cette porte qu’il m’est impossible de pousser. Je m’efface sans que cela me lasse. Porté par la musique de ce piano que tu joues pour moi. Dans cette attente de toi qui ne brisera pas ma foi. S’écoule le temps d’une vague espérance. Aussi loin qu’ira ma chance. Quatre minutes zéro deux de bonheur arrachées aux blanches et aux noires du piano. Se répète ce rythme lent, mélancolique et beau. Portant les larmes aux yeux. Fabriquant cette autre idée du merveilleux. Derrière lequel tu t’abrites protégée par des murs massifs et lumineux. J’imagine des grandes salles, des recoins. Où tu te protèges cachant tes désirs capricieux. Belle et inaccessible, frêle et sensible. Je te rêve ainsi. Cela me donne l’impression de te comprendre, que nous pourrions être amis. Il y a tant de choses qui pourraient nous rapprocher. Le fait parfois de se croiser. Toi, sortant de ces voitures luxueuses qui t’emmènent te promener. Moi passant, rentrant de travailler. C’est peu. Mais nous pourrions être heureux. Quatre minutes zéro deux. De musique qui parfois s’échappent de ta fenêtre. Envoyées à moi peut-être ? Un regard furtif échangé dont je me souviens. J’ai vu tes yeux, te souviens-tu des miens ? Chaque soir à la même heure, je passe et repasse. Faisant confiance au hasard. En avance ou bien trop tard. Nous nous croiserons. Nous entendrons. Le son d’un piano, des notes tristes et sombres coulant sur la toile d’une mélodie. Dressée pour habiller la maison de tous tes secrets. Ceux que j’imagine, que tu ne me livreras jamais. Que je ne pourrais te demander. Il y aura la douceur de tes mains. Le souffle chaud de ce vent divin. Caressant mon visage, je ferme les yeux. Quatre minutes zéro deux. De bonheur à être heureux. Ce soir, tu as pris le temps de me regarder avant de jouer. Tes doigts effleurent les touches en pensant peut-être à moi. J’ose le croire, je le veux, je n’ai que toi. Dans le vide qui m’habite, il y a des images, des ombres et puis nous deux. Lovés dans un recoin de la grande maison. Là où les lumières ne brillent plus de mille feux. Pénombre où s’enchaînent nos passions. Au frontières de la déraison. Je n’ai qu’un rêve pour compagnon. Et le son. D’un piano que tu caresses sans hésitation. Provoquant tant de tempêtes dans mon cœur amoureux. Battant au rythme de tes pulsations, le temps si court de quatre minutes zéro deux. Je l’ai chronométré. Voulant le graver. Dans ma mémoire pour savoir. Petite miette d’espoir. M’unissant à toi. Infime et vivace que tu as envoyée jusqu’à moi.
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