Les horizons perdus
Muette et absente dans le fracas de l’instant. Troublante et envahissante, elle comme une enfant. Si lentement s’enfuir et souffrir. Libellule d’un horizon perdu. Particule d’un moment suspendu. Dans ses habits de soie. Un soir sans loi. Marchant haut perchée. Le long du Danube éclairé. Par les feux de sa morosité. Sur les vagues le reflet. D’un visage abimé. Un peu assombri. Beaucoup vieilli. En épousant l’ennui. A la rencontre du crépuscule. Elle déambule. Ombre comme autrefois. Les doigts sur le parapet. Le nez dans son écharpe de soie. Une musique dans la tête. La ritournelle qui l’entête. Des pas derrière précipités. Ne pas se retourner. Ne pas savoir s’il est. Revenu de ces horizons perdus. Échafauds où ont succombé leurs maux. Entre les mains de bourreaux. Qui ont éviscérés leurs mots. Pour mieux les séparer. Ne plus jamais les rassembler. Comme çà en totale liberté. Par orgueil et stupidité. Sans le comprendre, ni l’entendre. Il ne reste que des rides. Le projet d’un grand vide. Un monde d’épaves. Des méduses dans la cave. Des souvenirs grandioses. Plongés dans le formol. Petites choses. Qui caracolent. Dans le carrosse de sa morosité. Hurlant à tue-tête les paroles. D’un texte emprunté au passé. Une promesse, une ivresse. Écrite au bout d’une table. Spontanément, passionnément. Mieux qu’une fable. Elle y croyait. C’était sa vérité. Indéfiniment à jamais. Sur ses horizons perdus. Le lichen est venu. Présent à en pourrir. L’instant à en vomir. Rock morbide d’un duo corrompu. Se détachant à perte de vue. Enfant du néant. Libellule d’un horizon perdu. Particule d’un moment suspendu. Dans ses habits de soie. Un soir sans loi. Elle marche haut perchée. Vers le jour qui va se lever. Et ne jamais se retourner.
Lire la suiteDans un château de misère
Dans un château de misère poussent des branches de lierre. Tissant leur fil sur des murs de poussière. Les araignées y font leurs prières. En croix pendues du bout des doigts. Elles rêvent de mouches de baisers de mort. Au-dessus de squelettes épouvantés et morcelés. Frappés par l’injustice de leur mauvais sort. Des corbeaux les regardent goguenards. Repoussant leurs larmes à plus tard. Se délectant du prochain festin. De lapereaux éventrés par des chiens. Errants en recherche de leur pitance. Voleurs qui finiront sur une potence. Tous se préparent au bal du soir. Apprêtés, ils seront habillés de noir. Danseront derrière des masques. Leurs yeux de rubis scintilleront. Des cris accompagneront leurs frasques. Les robes virevolteront, les dentelles frôleront des chandelles. Une ronde où sombrent les âmes des ombres. Portant des couleurs de catacombes cet endroit où j’erre. Ce château de misère où poussent des branches de lierre. Un lieu de vie où se fourvoie mon ennui. J’ai dessiné sur les nuages un monde imaginaire. Avec des crayons de charbon d’un dernier buché. Là où furent consumés mes rêves, mes larmes du passé. En cendres, sans pleurs, ni pitié. Demain, je ne serai plus rien. Qu’un fantôme aux espérances de môme. Un vagabond croyant pour de bon. Aux promesses d’une fée qui m’a promis d’être une déesse. Une princesse que j’ai regardée danser dans le voile des nuages. Elle a emporté mes rêves d’immortalité. L’espoir éternel auquel je croyais dont j’étais l’otage. J’enrage de m’être fait berner. Je l’aimais ce monde imaginaire. J’y menais une vie princière avec ma cavalière. Nous étions heureux et fiers dans nos attitudes singulières. Sans main, sans tête, juste évaporés. Fantômes insouciants jouant à cache-cache entre les tombes des cimetières. Maintenant, les araignées y font leurs prières. Tissent leur fil sur des murs de poussière. A côté d’un château de misère où poussent des branches de lierre.
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